Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
IPHIGÉNIE.

Ce n’est pas la prêtresse, mais la fille d’Agamemnon. Tu respectas la voix de l’inconnue, et tu veux commander durement à la princesse ? Non ! Dès l’enfance j’appris à obéir-, d’abord à mes parents, ensuite à une divinité, et, docile, je sentis toujours mon âme parfaitement libre ; mais de me plier à la dure parole, à l’arrêt barbare d’un homme, c’est ce que je n’ai appris ni en Grèce ni en Tauride.

THOAS.

C’est une antique loi, ce n’est pas moi qui te commande.

IPHIGÉNIE.

Nous saisissons avec empressement une loi dont notre passion se fait une arme : une autre loi, plus ancienne, me dit de m’opposer à toi, la loi pour laquelle tout étranger est sacré.

THOAS.

Il paraît que les captifs te sont bien chers, car la pitié et, l’émotion te font oublier la première leçon de la prudence, qu’il ne faut pas irriter l’homme puissant.

IPHIGÉNIE.

Que je parle ou que je me taise, tu peux toujours savoir ce qui est et sera toujours dans mon cœur. Le souvenir d’un sort semblable n’ouvre-t-il pas à la pitié un cœur insensible ? Et combien plus le mien ! Je me vois en eux. J’ai tremblé moimême devant l’autel ; une mort prématurée, entourait avec pompe la jeune fille à genoux ; déjà le couteau se levait pour percer mon sein plein de vie ; mon âme, en proie au vertige, était saisie d’horreur ; mes yeux n’y voyaient plus, et…. je me trouvai sauvée. N’est-ce pas notre devoir de rendre aux malheureux ce que la faveur des dieux nous a dispensé 1 Tu le sais, tu me connais, et tu veux me contraindre !

THOAS.

Obéis à ton office, non à un maître.

IPHIGÉNIE.

Arrête ! Ne colore pas la violence qui s’applaudit de la faiblesse d’une femme. Je suis née aussi libre qu’un homme. Si le fils d’Agamemnon était devant toi, et si tu lui demandais une chose déshonorante, il aurait aussi une épée et un bras pour défendre les droits de son cœur.. Je n’ai que des paroles, et il