Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


ANTIOPE.

Tu connus bientôt et tu aimas celle qui t’aimait. Ta garde venait, pour te livrer au sommeil, à l’heure accoutumée. Fâché de la suivre, tu t’enlaçais ù mon cou avec tes deux bras, et tu ne pouvais t’arracher de mon sein.

ELPÉNOR.

Je me souviens encore de ma joie, lorsque tu m’emmenas avec toi à ton départ.

ANTIOPE.

Ton père fut difficile à persuader. Je fis longtemps de nombreuses tentatives ; je lui promis de te garder comme mon propre fils. « Laisse-moi l’enfant, lui dis-je, jusqu’à ce que la jeunesse l’appelle à la vie sérieuse. Qu’il soit l’objet de tous mes vœux ; je refuserai ma main à l’étranger quel qu’il soit ; je vivrai et je mourrai dans le veuvage. Que mon héritage soit, pour ton fils, une belle part ajoutée à ce qu’il possède. » Alors ton père se tut et considéra l’intérêt. Je m’écriai : * Prends sans retard les îles, prends-les pour gage. Fortifie ton royaume ; protège le mien ; conserve-le pour ton fils. » Cela le décida enfin, car l’ambition l’a toujours dominé, ainsi que le désir de commander.

ELPÉNOR.

Oh ! ne le condamne pas : être semblable aux dieux est le vœu Hes grands cœurs.

ANTIOPE.

Dès lors tu fus à moi. Souvent je me suis reprochée de pouYoir sentir en toi et par toi un adoucissement à mon affreuse perte. Je te nourris ; l’amour, mais aussi l’espérance, me lia fermement à toi.

ELPÉNOR.

Oh ! puisse-je remplir ton attente !

ANTIOPE.

Ce n’est point cette espérance qui, dans le rigoureux hiver, couronne notre tête de fleurs printanières ; qui, devant les arbres en fleurs, sourit aux fruits abondants : non, le malheur avait transformé mes vœux dans mon sein, et allumé en moi l’immense désir de la destruction.

ELPÉNOR.

Ne me cache rien. Parle : que je sache tout !