Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/91

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toucher les boucles mobiles de ces têtes chéries !… Par cette pierre froide, solide, sacrée…. (touche-la de ta main !…) jure d’accomplir toute l’étendue de mes vœux !

- ELPÉNOR.

Mon cœur était libre encore de vengeance et de colère, car je n’ai éprouvé aucune injustice ; si dans nos jeux il s’élevait facilement des querelles, plus facilement encore la paix était faite même avant le soir : tu m’enflammes d’un feu que je ne sentis jamais ; tu as confié à mon sein un pesant trésor ; tu m’as élevé’ à la sublime dignité du héros, en sorte que je m’élance maintenant dans la vie, d’une marche plus ferme et sachant ce que je fais. Oui, je te jure, à cette place sacrée, par le premier et le plus fidèle serment de mes lèvres, de consacrer pour jamais à toi et à ton service le premier et le plus ardent courroux de mon cœur.

ANTIOPE.

Laisse-moi, ô mon fidèle, avec ce tendre baiser, imprimer sur ton front le sceau de tous mes désirs. Et maintenant je vais, devant la haute porte, à la source sacrée, qui, jaillissant du rocher mystérieux, baigne le pied de mes antiques murailles. Je reviens dans quelques instants.

SCÈNE Y

ELPËNOR, seul.

Je sens le désir de voir quel est son dessein. Pensive, elle s’arrête devant l’onde claire et jaillissante et semble méditer ; elle se lave soigneusement les mains, puis les bras ; elle se baigne le front, le sein ; elle lève les yeux au ciel ; elle recueille l’eau fraîche dans le creux de sa main, et trois fois la verse solennellement sur la terre. Quelle consécration peut-elle faire ? Elle dirige ses pas vers le seuil : elle vient.