Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/116

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crient tout le jour, et, en même temps, elles ont toutes quelque chose à faire. Je n’ai vu encore aucune femme oisive.

L’hôte m’annonça, avec une emphase italienne, qu’il se trouvait heureux de pouvoir me servir la truite la plus exquise. On les prend près de Torbole, à l’endroit où le ruisseau descend de la montagne, et où les poissons cherchent à remonter. On paye dix mille florins cette ferme à l’empereur. Ce ne sont pas de véritables truites ; elles sont grandes, pèsent quelquefois jusqu’à cinquante livres, et sont tachetées sur tout le corps jusqu’à la tête ; le goût en est délicieux, et tient de la truite et du saumon. Mais mon véritable régal, ce sont les fruits, les figues et aussi les poires, qui doivent, cela s’entend, être exquises dans un lieu où les citrons mûrissent.

Malsesine, 13 septembre 1786, le soir.

Je suis parti ce matin à trois heures de Torbole avec deux rameurs. Le vent a été d’abord favorable, et nous avons pu déployer la voile. La matinée était magnifique, nuageuse, il est vrai, mais calme au point du jour. Nous avons passé devant Limona, dont les jardins montueux, disposés en terrasses et plantés de citronniers, ont un air d’ordre et de richesse. Tout le jardin est garni de piliers blancs et carrés, rangés en files, placés à une certaine distance les uns des autres, et qui s’élèvent par degrés contre la montagne. Sur ces piliers sont posées de fortes perches, afin de couvrir pendant l’hiver les arbres plantés dans les intervalles. Comme nous avancions lentement, je pus observer et contempler à mon aise ces objets agréables. Nous avions dépassé Malsesine, quand le vent changea complètement de direction, prit son cours ordinaire pendant le jour et souffla vers le nord. Les rames étaient de peu de secours contre cette force supérieure, et nous dûmes aborder dans le port de Malsesine. C’est la première place vénitienne sur la rive orientale du lac. Quand on a affaire avec l’eau, on ne peut pas dire : « Aujourd’hui, je serai là. » J’emploierai cette halte de mon mieux, et surtout à dessiner le château, qui est au bord du lac et qui offre un bel aspect. J’en ai déjà pris l’esquisse en passant devant.