Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/120

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servé un agréable souvenir. Heureusement son séjour à Francfort répondait à mes années d’enfance, et j’eus le double avantage de pouvoir lui dire ce qu’était la ville de son temps et ce qu’elle était devenue depuis. Je lui parlai de toutes les familles italiennes, dont aucune ne m’avait été étrangère. Il fut très-heureux d’apprendre certains détails, par exemple, que M. Alessina avait célébré ses noces d’or en 1774, et qu’on avait frappé, à cette occasion, une médaille que je possède encore.- Il se rappela fort bien que la femme de ce riche négociant était née Brentano. Je pus lui parler aussi des fils et des petits-fils de ces familles, comme ils avaient grandi, s’étaient établis, mariés et multipliés.

Lorsque je l’eus ponctuellement satisfait sur presque tous les détails qu’il m’avait demandés, je vis sa figure prendre tour à tour une expression grave et sereine. Il était joyeux, mais ému. Le peuple se rassura de plus en plus ; il ne pouvait se rassasier de notre dialogue, dont il fallait du reste lui traduire une partie en son dialecte. Gregorio dit enfin : «Monsieur le podestat, je suis convaincu que Monsieur est un brave homme, ami des arts, bien élevé, qui voyage pour s’instruire. Laissons-le nous quitter en ami, afin qu’il dise du bien de nous à ses compatriotes, et qu’il les engage à visiter Malsesine, dont la belle situation est bien digne d’être admirée par les étrangers. » Je fortifiai ces paroles amicales en faisant l’éloge de la contrée, de la situation et des habitants, sans oublier les magistrats, dont je vantai la prudence et la sagesse.

Tout cela fut jugé satisfaisant, et j’eus la permission de visiter à mon gré avec maître Gregorio la ville et les environs. L’hôte chez qui j’avais logé se joignit à nous, et se réjouissait déjà, à la pensée des étrangers qui afflueraient chez lui, quand les avantages de Malsesine auraient été mis dans un beau jour. 11 observait avec une vive curiosité mon habillement, mais il m’enviait surtout les petits pistolets qu’on pouvait si commodément cacher dans sa poche. Il estimait heureux ceux qui osaient porter de si belles armes, ce qui était défendu chez eux sous les peines les plus sévères. J’interrompais quelquefois ces amicales importunités pour exprimer rmi reconnaissance à mon libérateur. « Ne me remerciez-pas, répondit le brave homme,