Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces nains doriques, cannelés, sont misérables à côté de ces géants ioniques tout unis. Mais nous serons indulgents, en considération du bel établissement que nous trouvons sous cette colonnade. On y a rassemblé les antiquités que les fouilles ont découvertes, la plupart, à Vérone et alentour. Quelques objets ont même été trouvés dans l’amphithéâtre. Il y en a d’étrusques, de grecs, de romains, jusqu’aux siècles de décadence, et aussi de modernes. Les bas-reliefs sont incrustés dans les murs et pourvus de numéros, que Maffei leur assigna, lorsqu’il les décrivit dans sa Verona illustrata. Il y a des autels, des fragments de colonnes et d’autres restes pareils, un excellent trépied de marbre blanc, avec des génies qui s’occupent des attributs des dieux. Raphaël en a imité et glorifié de pareils dans les coins de la Farnesina[1].

Le vent qui souffle des tombeaux des anciens arrive, chargé de parfums, par-dessus une colline de roses. Les tombeaux sont aimables et touchants, et reproduisent toujours la vie. Voilà un mari et sa femme qui regardent d’une niche, comme s’ils étaient à la fenêtre. Voilà un père et une mère, et leur fils entre eux, qui se regardent avec un naturel inexprimable. Ici, deux époux se tendent la main. Ici, un père, assis sur son lit de repos, semble s’entretenir avec sa famille. À la vue de ces pierres, je fus vivement ému. Elles sont d’une époque récente, mais simples, naturelles et généralement touchantes. Là, point de guerrier à genoux, en attendant une heureuse résurrection. Avec plus ou moins de talent, l’artiste a simplement reproduit l’état présent des hommes, et, par là, continué, maintenu leur existence. Ils ne joignent pas les mains, ils ne lèvent pas les yeux au ciel, mais ils sont ici-bas ce qu’ils étaient et ce qu’ils sont. Ils sont ensemble, ils s’intéressent les uns aux autres, ils s’aiment. Et cela est exprimé d’une manière toute charmante dans ces pierres, même avec une certaine imperfection de travail. Un pilastre de marbre, orné très-richement, m’a donné encore de nouvelles idées.

Si digne d’éloges que soit cet établissement, on voit pourtant que le noble esprit de conservation qui l’a fondé ne l’anime

  1. Casino Farnèse.