Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

former la masse, si vaste que soit l’ensemble. A présent, lorsqu’on voit l’amphithéâtre vide, on n’a aucune mesure; on ne sait pas s’il est grand ou s’il est petit.

Il faut savoir gré aux Véronais des soins qu’ils prennent pour conserver cet ouvrage. Il est construit d’un marbre rougeâtre, attaquable aux influences atmosphériques : aussi remplace-t-on au fur et à mesure les gradins rongés, et ils semblent presque tous entièrement neufs. Une inscription rappelle le souvenir d’un Hieronymus Maurigenus et des soins extraordinaires qu’il a pris de ce monument. Il n’existe qu’une partie du mur extérieur, et je doute qu’il ait jamais été achevé. Les voûtes inférieures, qui donnent sur la grande place, nommée il Bra, sont louées à des artisans, et l’on aime à voir ces cavités reprendre vie.

La plus belle porte de la ville, mais qui est toujours fermée, s’appelle Porta Stupa ou dl Pallio. Comme porte, et à la grande distance à laquelle on peut déjà la voir, elle n’est pas bien conçue, car c’est seulement de près qu’on reconnaît le mérite de cette construction. J’ai dit qu’elle est fermée, et l’on en donne diverses raisons. Voici ce que j’imagine. L’intention de l’artiste était manifestement de procurer, au moyen de cette porte, un nouvel établissement pour le Corso, car elle ne répond nullement à la rue actuelle : le côté gauche n’a que des baraques, et l’axe de la porte répond à un couvent de nonnes qu’il aurait fallu abattre nécessairement. On le comprit bien, et, d’un autre côté, il est probable que les grands et les riches ne se soucièrent pas de bâtir dans ce quartier reculé. L’architecte mourut peut-être, et l’on ferma la porte, ce qui mit fin à la chose tout d’un coup.

Le portail du théâtre, formé de six grandes colonnes ioniques, est d’un effet assez imposant. On trouve d’autant plus mesquin, au-dessus de la porte, devant une niche peinte, qui est portée par deux colonnes corinthiennes, le buste, de grandeur naturelle, du marquis de Maffei, coiffé d’une grande perruque. La place est honorable; mais, pour soutenir un peu la comparaison avec la grandeur et la beauté des colonnes, le buste aurait dû être colossal. Maintenant il paraît petit sur sa petite console et sans harmonie avec l’ensemble.

La galerie qui encadre le vestibule est aussi mesquine, et