Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

public, tantôt à l’église tantôt à la promenade. La veste est un jupon de taffetas noir qu’on jette par-dessus les autres vêtements. Si celui de dessous est propre et blanc, une dame sait fort bien relever d’un côté le jupon noir. Celui-ci est fixé à la ceinture de manière à marquer la taille et à couvrir les bords du corset, qui peut être de la couleur qu’on veut. Le zendale est un grand capuchon à longues barbes; le capuchon même est relevé au-dessus de la tête par un échafaudage en fil d’archal ; les barbes sont fixées autour du corps comme une écharpe, de façon que ses extrémités tombent derrière le dos.

Comme je revenais aujourd’hui de l’arène, j’ai vu, à quelques milliers de pas de là, un spectacle public moderne. Quatre nobles Véronais jouaient à la balle contre quatre Vicentins. Ils se livrent d’ailleurs entre eux à cet exercice toute l’année, environ deux heures avant la nuit. Cette fois, la présence des adversaires étrangers avait attiré un concours incroyable de peuple. Il y avait bien quatre ou cinq mille spectateurs. Je n’ai point vu de femmes d’aucune condition. Plus haut, en parlant du besoin de la foule dans une occasion pareille, j’ai décrit l’amphithéâtre naturel fortuit : c’est ainsi que j’ai vu là le peuple entassé. J’entendis déjà de loin un vif battement de mains. Tous les coups marquants en étaient accompagnés. Cependant le jeu suit son cours. A une distance convenable l’un de l’autre, sont établis deux planchers doucement inclinés. Le joueur qui lance la balle se tient au haut, la main droite armée d’une large raquette en bois. Tandis qu’un autre homme de son parti lui lance la balle, il descend, il court au-devant, et, par là, augmente la force du coup dont il sait l’accueillir. Les adversaires cherchent à la rejeter, et cela continue de part et d’autre, jusqu’à ce qu’enfin la balle reste par terre. Cela produit les plus belles attitudes, qui seraient dignes du marbre. Comme on ne voit là que de jeunes hommes bien faits et robustes, en vêtement blanc, court et serré, les partis ne se distinguent que par un insigne de couleur. Je trouve particulièrement belle la position que prend celui qui lance la balle, lorsqu’il descend à la course du plancher incliné, et qu’il lève le bras pour frapper la balle. Il rappelle le gladiateur de la villa Borghèse. Il me parut étrange que les joueurs se livrassent à cet exercice auprès d’un vieux mur d’en-