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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/217

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L’église était pleine de monde. Il serait trop long de décrire la décoration magnifique. On ne voyait plus une seule pierre. Les colonnes étaient couvertes de velours rouge et entourées de tresses d’or ; les chapiteaux, de velours brodé qui en imitait à peu près la forme ; toutes les corniches et tous les pilastres étaient de même couverts de tapisseries ; tous les intervalles des murs habillés de vives peintures ; enfin l’église entière semblait une mosaïque. Plus de deux cents cierges brûlaient autour et aux côtés du maître autel, en sorte que toute une muraille était garnie de bougies et la nef parfaitement éclairée. Les nefs latérales et leurs autels étaient pareillement ornés et éclairés. Visà-vis du maître autel, sous l’orgue, deux échafaudages, aussi tendus de velours, sur l’un desquels étaient les chanteurs, sur l’autre, l’orchestre, qui ne cessait pas de faire de la musique. L’église était comble. L’exécution musicale m’a frappé par son beau caractère. Comme on a des concertos de violon ou d’autres instruments, on exécute ici des concertos avec les voix ; une voix, par exemple, le soprano, est dominante et chante le solo ; le chœur entre de temps en temps et l’accompagne, mais toujours avec tout l’orchestre. Cela produit un bon effet.

Il faut que je finisse comme il nous a fallu finir le jour. Le soir, nous sommes arrivés devant l’Opéra. On jouait les Liliganti ; mais c’était assez de belles jouissances, et nous avons passé notre chemin.

Rome, 23 novembre 1786.

Afin qu’il n’en soit pas de moi, avec l’incognito qu’il me plaît de garder, comme de l’autruche, qui se croit cachée quand elle cache sa tête, je fais quelques concessions tout en soutenant ma première thèse. Je me suis fait un plaisir de rendre une visite au prince Lichtenstein, la frère de ma digne comtesse de Harrach, et j’ai dîné quelquefois chez lui. Mais j’ai pu bientôt reconnaître que cette concession m’entraînerait plus loin, et c’est ce qui est arrivé. On m’avait parlé de l’abbé Monti, de son Aristodème, tragédie qui devait être bientôt représentée. L’auteur, me disait-on, désirait me la lire et savoir mon opinion. Je laissais tomber la chose, sans refuser. Enfin j’ai trouvé chez le prince le poète et un de ses amis, et on a lu la pièce.

Le héros est, comme on sait, un roi de Sparte, que divers