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DEUXIÈME PARTIE.

Moutier1, 3 octobre 1779, samedi sotr.

Vous recevrez de Bâie un paquet qui renferme le récit de notre voyage jusqu’ici. Nous allons poursuivre tout de bon notre course à travers la Suisse. Pour nous rendre à Bienne, nous avons remonté la belle vallée de la Birse, et nous sommes enfin arrivés à l’étroit défilé qui conduit ici.

La Birse, rivière peu considérable, se fraya jadis un passage à travers une haute et large chaîne de montagnes. Ensuite l’homme, poussé par le besoin, rampa sans doute péniblement le long de ses gorges profondes ; les Romains élargirent la route, et maintenant elle est très-commodément tracée. Le chemin et la rivière, qui gronde à travers les rochers, se côtoient, et occupent le plus souvent toute la largeur du passage, fermé de part et d’autre par des rochers que l’œil mesure sans peine. Par derrière s’élèvent en pente douce des montagnes dont les sommets étaient voilés pour nous de nuages.

Ici s’élèvent sans interruption des parois verticales ; là des couches puissantes s’avancent obliquement vers la rivière et le chemin ; de larges masses sont assises les unes sur les autres, et, tout auprès, se dressent isolément des roches abruptes ; de grandes crevasses s’ouvrent du bas en haut, et de larges plateaux se sont séparés du reste de la masse ; des blocs détachés ont roulé au bas de la montagne ; d’autres sont encore suspendus, et font craindre par leur situation qu’ils ne tombent un jour également.


1. En allemand Munster, dans le Jura bernois.