Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/45

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couchant, le lac est resserré par la croupe de rochers, qui, du côté de l’eau, est tout à fait nue. Le soleil était chaud ; il était entre onze heures et midi. Peu à peu nous avons dominé toute la vallée ; nous pouvions reconnaître dans le lointain le lac des Rousses, et, de là jusqu’à nos pieds, le pays par lequel nous étions venus et le chemin qui nods restait à faire. En montant, nous parlâmes de ces vastes contrées et des États qu’on pouvait distinguer de ces hauts lieux, et, occupés de ces pensées, nous arrivâmes au sommet. Mais un autre spectacle nous était préparé. Les hautes chaînes de montagnes étaient seules visibles sous un ciel pur et serein ; toutes les contrées inférieures étaient couvertes d’une mer de vapeurs blanches, qui s’étendait depuis Genève jysqu’au nord à l’horizon et brillait au soleil. De cette mer s’élevait à l’orient, nettement dessinée, toute la chaîne des montagnes blanches et des glaciers, sans distinction du nom des peuples et des princes qui croient les posséder, sous l’empire d’un Seigneur unique et grand et sous le regard du soleil qui les colorait d’une belle teinte rose. Le Mont-Blanc, en face de nous, paraissait le plus haut ; les glaciers du Valais et de l’Oberland lui succédaient, et les basses montagnes du canton de Berne terminaient la perspective. Au couchant, il y avait un espace où la mer de vapeurs était sans limites ; à gauche, dans le dernier lointain, se montraient les montagnes de Soleure ; plus près, celles de Neuchâtel ; immédiatement devant nous, quelques cimes basses du Jura ; sous nos pieds, quelques maisons de Vaulion, village auquel appartient la montagne et qui lui a donné son nom. A l’occident, la Franche-Comté termine tout l’horizon avec ses montagnes boisées qui s’abaissent en plaines : on n’en distinguait qu’une seule dans le lointain vers le nord-ouest. Mais devant nous s’offrait un beau spectacle. Voici la pointe qui a fait nommer dent cette sommité. Elle descend à pic, et même elle surplombe un peu ; dans la profondeur, elle touche à un petit vallon planté de sapins ’, avec de belles places gazonnées ; au delà s’étend la vallée de Valorbe, où l’on voit l’Orbe sortir du rocher, et, en reportant sa vue vers le petit lac, on peut suivre par la pensée la course souterraine de la rivière.


1. Nous avons rendu plus d’une fois, dans ces lettres, Fichte par Sapin, parce que c’est l’espèce qui domine dans toutes ces montagnes.