Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Rome, 25 décembre 1787.

Cette fois, le Christ est né au milieu des tonnerres et des éclairs : nous avons eu juste à minuit un violent orage.

L’éclat des plus grands chefs-d’œuvre ne m’éblouit plus ; je vis maintenant dans la contemplation, dans la connaissance vraie et distincte. Je ne puis dire tout ce que je dois, à cet égard, au Suisse Meyer. Cet homme studieux, solitaire, tranquille, m’a ouvert le premier les yeux sur les détails, sur les qualités des formes considérées isolément ; il m’a initié au véritable faire. Il est content de peu et modeste. Il jouit des œuvres d’art plus que les grands qui les possèdent sans les comprendre, plus que les autres artistes qui sont trop tourmentés du désir d’imiter l’inimitable. Son esprit est d’une clarté divine, son cœur d’une angélique bonté. Il ne me parle jamais que je ne sois tenté d’écrire tout ce qu’il dit, tant ses paroles sont précises, justes, exprimant la seule ligne véritable. Son enseignement me donne ce que personne ne pourrait me donner, et son éloignement sera pour moi une perte irréparable. Avec lui, j’espère encore arriver dans le dessin, au bout de quelque temps, à un point que j’ose à peine me figurer.

Les étrangers sont revenus. Je visite quelquefois avec eux une galerie. Ils me font l’effet des guêpes que je vois dans ma chambre s’élancer contre les fenêtres, prendre les vitres pour l’air, rebondir et bourdonner contre les murs.

Je ne souhaiterais pas à un ennemi d’être réduit à se taire et à s’effacer, et il me sied moins que jamais de passer comme autrefois pour malade et borné. Ainsi donc, cher ami, fais de’ ton mieux en ma faveur, et soutiens ma vie, car, autrement, je péris sans être utile à personne. Oui, je dois le dire, j’ai été cette année, moralement parlant, un véritable enfant gâté. J’ai passé quelque temps séparé du monde et dans une complète solitude, et puis il s’est formé autour de moi un petit cercle d’amis qui sont tous bons, tous sur le droit chemin, et plus leurs méditations, leur activité, les tiennent dans cette direction, plus ils sont contents de moi, et trouvent de plaisir dans ma société. Car je suis impatient, impitoyable pour tous ceux