Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/47

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enfants. Les maisons sont solidement et proprement bâties ; la forme et l’arrangement sont appropriés aux besoins du pays et des habitants. Devant chaque maison coule une fontaine. On’ voit partout régner le travail, l’activité et l’aisance. Mais il faut louer surtout les belles routes, dont l’État de Berne prend soin, dans ces lieux écartés, comme dans tout le reste du canton. Une chaussée fait le tour de toute la vallée. Elle n’est pas d’une largeur démesurée, mais elle est bien entretenue, en sorte que . les habitants exercent leur industrie avec la plus grande facilité, et peuvent cheminer avec de petits chevaux et de légères voitures. L’air est très-pur et très-sain.

Le 26, on délibéra en déjeunant sur le chemin par lequel on devait se retirer. Ayant appris que la Dole, la plus haute cime du Jura ’, confinait à l’extrémité supérieure de la vallée, comme le temps prenait la plus belle apparence, et que nous pouvions espérer de la bonne fortune l’avantage qui nous-avait manqué la veille, nous résolûmes de nous y rendre. Nous chargeâmes un messager de nous porter du fromage, du beurre, du pain et du vin, et nous montâmes à cheval vers les huit heures. .Nous longeâmes la partie supérieure de la vallée à l’ombre du Noirmont. Il faisait très-froid ; le pays était couvert de frimas et de glace. Nous avions à cheminer encore une lieue dans le canton de Berne, où s’arrêtera la chaussée, qu’on est justement occupé à terminer. Après avoir traversé un petit bois de sapins, nous entrâmes dans le territoire français. Là le spectacle change beaucoup. Ce qui fixa d’abord notre attention, ce furent les mauvais chemins. Le terrain est fort pierreux ; partout s’élèvent de grands monceaux de cailloux ; du reste, une partie du sol est aussi très-marécageuse et abonde en sources ; les forêts d’alentour sont très-ruinées ; les maisons et les habitants annoncent, je ne dirai pas l’indigence, mais une étroite pauvreté. Ils appartiennent, à peu près comme serfs, aux chanoines de Saint-Claude ; ils sont attachés à la glèbe, et


1. Elle est assurément la plus remarquable par sa belle croupe arrondie, qui se détache avec majesté du reste de la chaîne ; elle justifie le proverbe du pays, où l’on dit, en parlant de toute chose ambitieuse à laquelle on veut opposer l’idée de la véritable grandeur : « Ce n’est pas la Dole. » Cependant elle n’a que 1681 mitres de hauteur, tandis qua le Reculet en a 1720 et le Crédoz 1789.