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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/475

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gues, où il expose la meilleure doctrine, sont évidemment un fruit des conversations arcadiennes, et d’une grande importance en regard de nos récents travaux esthétiques. Dans ce sens, les poésies arcadiennes qu’il a publiées méritent aussi toute notre attention. Nous nous permettrons seulement la réflexion suivante.

A la vérité, ces estimables bergers, en s’établissant en plein air sur le vert gazon, avaient voulu se rapprocher de la nature, ce qui ouvre d’ordinaire à l’amour et à la passion l’entrée du cœur humain ; or la société se composait d’ecclésiastiques et d’autres personnes respectables, qui ne pouvaient se livrer à l’amour des triumvirs romainsl et qui l’écartèrent expressément. Mais, l’amour étant indispensable au poète, il ne restait plus qu’à se tourner vers les désirs spirituels, et en quelque sorte platoniques, à s’engager dans l’allégorie, ce qui fit prendre à leur poésie un caractère tout à fait honnête et particulier, et les mit d’ailleurs sur la trace de leurs illustres devanciers, Dante et Pétrarque.

Quand j’arrivai à Rome, cette société comptait justement cent années d’existence, et, tout en changeant quelquefois de résidence et de sentiments, elle s’était toujours conservée, quant à sa forme extérieure, avec décence, sinon avec une grande considération : on ne laissait guère séjourner dans Rome les étrangers un peu marquants sans les engager à se faire recevoir, d’autant plus que le gardien de ces terres poétiques ne pouvait, avec ses modiques ressources, s’entretenir autrement.

Voici comment se passa la cérémonie. Je fus présenté dans les avant-salles d’un^décent édifice à un dignitaire ecclésiastique, et on me le fit connaître comme celui qui devait m’introduire et me servir de caution ou de parrain. Nous entrâmes dans une grande salle, déjà assez animée, et nous nous plaçâmes au premier rang des sièges, droit en face de la chaire, élevée au milieu. Les auditeurs arrivaient, toujours plus nombreux. A ma droite, restée vide, vint se placer un beau vieillard, qu’à son habit et au respect qu’on lui témoigna, je dus prendre pour un cardinal. Le custode prononça du haut de sa chaire un dis-