Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/499

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mence à conter avec emphase ses grands exploits sur terre et sur mer. Bientôt un polichinelle vient lui faire tête ; il élève des doutes et des objections et, en paraissant lui accorder tout, il tourne en ridicule, par des jeux de mots et des platitudes jetés à la traverse, ce héros fanfaron. Les passants s’arrêtent et prêtent l’oreille à leurs vives répliques.

Une nouvelle scène augmente souvent la presse. Une douzaine de polichinelles se réunissent, élisent un roi, le couronnent, lui mettent un sceptre à la main, l’accompagnent au son de la musique, et le mènent à grands cris au haut du Corso sur un petit char décoré. Tous les polichinelles accourent en sautant, à mesure que le cortège s’avance, ils augmentent l’escorte et se font place en poussant des cris et agitant leurs chapeaux. C’est alors qu’on peut remarquer comme chacun cherche à varier ce masque général. L’un porte une perruque, l’autre une coiffe de femme sur son noir visage ; un troisième s’affuble, en guise de bonnet, d’une cage, dans laquelle une couple d’oiseaux, habillés l’un en abbé, l’autre en belle dame, sautillent sur les bâtons.

La presse effroyable dont nous avons tâché d’offrir l’image à nos lecteurs force naturellement une foule de masques à passer du Corso dans les rues voisines. Les couples d’amants y sont plus à eux-mêmes et plus tranquilles ; de joyeux compagnons y trouvent de la place pour représenter toute sorte d’extravagances.

Une société d’hommes en habits du dimanche de la classe populaire, en pourpoint court et veste bordée d’or, les cheveux retenus dans un long filet pendant par derrière, se promènent avec des jeunes gens déguisés en femmes ; une des femmes paraît être dans un état de grossesse avancée ; nos gens passent et repassent tranquillement ; tout à coup deux hommes se querellent ; une vive dispute s’engage ; les femmes s’en mêlent ; l’affaire devient toujours plus mauvaise, enfin les adversaires tirent de grands couteaux de carton argenté et s’attaquent les uns les autres. Les femmes les séparent en poussant des cris affreux ; on entraîne l’un ici, l’autre là. Les assistants prennent part à l’affaire, comme si elle était sérieuse ; on cherche à calmer les deux partis.