Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/500

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Cependant la femme grosse se trouve mal de frayeur ; on apporte un siège ; les autres femmes l’assistent ; elle fait des gestes lamentables ; et tout à coup, à la grande joie des assistants, elle met au monde quelque monstre. La farce est jouée et la troupe passe plus loin, pour donner la même pièce ou quelque autre pareille dans une autre place.

C’est ainsi que le Romain, qui a toujours les histoires de meurtre présentes à la pensée, joue volontiers en toute occasion avec les idées d’assassinat. Les enfants ont même un jeu qu’ils nomment « l’église, * et dans lequel ils représentent proprement un meurtrier qui s’est réfugié sur les marches d’une église ; les autres jouent les sbires et cherchent par tous les moyens à le prendre, sans se permettre toutefois de mettre le pied dans l’asile.

Voilà les scènes joyeuses qui se passent dans les rues latérales, particulièrement dans la rue Babouina et sur la place d’Espagne.

Les quacqueri y viennent aussi par troupes pour se livrer plus librement à leurs galanteries. Ils ont une manœuvre qui fait rire tout le monde. Ils s’avancent par douze en droite ligne, sur la pointe du pied, à petits pas pressés ; ils présentent un front bien droit ; tout à coup, quand ils arrivent dans une place, ils forment, par la droite ou la gauche, une colonne, et piétinent à la file ; le front se reforme par le flanc droit, et l’on entre dans une rue ; puis, avant qu’on s’en doute, les voilà qui répètent la manœuvre par la gauche. La colonne, comme enfilée à une broche, se glisse dans une maison, et les fous ont disparu.

Le soir approche et la foule se presse toujours plus dans le Corso. Le mouvement des voitures est gêné depuis longtemps, et il peut arriver que, deux heures avant la nuit, aucun équipage ne puisse plus bouger de la place. La garde du pape et les gardes à pied sont occupés à écarter autant que possible toutes les voitures du milieu de la rue et à les ranger sur une ligne droite. Cela occasionne, à cause de la foule, bien du désordre et du malaise ; on recule, on pousse, on déplace, et, quand l’un recule, tous ceux qui le suivent doivent aussi reculer, jusqu’à ce qu’enfin un équipage se trouve tellement à la gêne, qu’il doit faire avancer ses chevaux dans le milieu. Alors la garde à che-