Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/511

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J’ai eu le courage de m’occuper à la fois de mes trois derniers volumes, et je sais désormais exactement ce que je veux faire. Que le ciel m’accorde maintenant la force et le bonheur de l’accomplir 1 La semaine a été bien remplie, et me semble avoir duré un mois. D’abord j’ai tracé le plan de Faust, et j’espère que cette opération m’a réussi. On comprend bien que c’est autre chose d’achever la pièce à présent ou de l’avoir achevée il y a quinze ans : je pense qu’elle n’y perdra rien, d’autant que je crois maintenant avoir retrouvé le iil. Je suis tranquille aussi pour ce qui concerne le ton de l’ensemble. J’ai déjà écrit une nouvelle scène, et, si j’enfumais le papier, je ne crois pas que personne pût la démêler parmi les anciennes. Le long repos et la retraite m’ayant ramené au niveau de mon existence propre, c’est une chose remarquable de voir combien je me ressemble à moi-même, et combien peu mon état intérieur a souffert par les années et les événements. Le vieux manuscrit me donne quelquefois à penser, quand je l’ai sous les yeux. C’est toujours le manuscrit primitif, écrit même sans brouillon dans les scènes principales ; il est si jauni par le temps, si disloqué (les cahiers n’avaient jamais été cousus), si mûr, si usé aux marges, qu’on dirait le fragment d’un vieux Codex, et, tout comme je me reportais autrefois par la pensée et l’imagination dans un monde plus ancien, je dois me reporter maintenant dans un passé que j’ai vécu moi-même.

Le plan du Tasse est aussi arrêté, et j’ai mis au net la plupart des poésies diverses qui formeront le dernier volume.

Je suis allé un matin à la galerie Borghèse, que je n’avais pas visitée depuis un an, et j’ai reconnu avec joie que je la voyais avec des yeux beaucoup plus intelligents. Le prince possède des trésors inestimables.

Rome, 7 mars 1788.

La semaine qui vient de s’écouler a été bonne, riche et tranquille. Nous ne sommes pas allés dimanche à la chapelle du pape, mais j’ai vu avec Angélique un superbe tableau qu’on attribue au Corrége. J’ai vu la collection de l’Académie de SaintLuc, où se trouve le crâne de Raphaël. Cette relique ne me paraît pas douteuse. C’est une structure osseuse admirable, dans laquelle une belle âme pouvait se promener commodé-