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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/64

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au vent en écume et en poussière. Le soleil parut et rendit le spectacle doublement animé. En bas, dans la poussière humide, on observe çà et là un arc-en-ciel, à mesure qu’on marche, tout près devant soi. Si l’on s’élève davantage, on jouit encore d’un plus beau phénomène : quand les flots rapides, écumants, du jet supérieur, touchent, dans leur passage tumultueux, les lignes où l’arc-en-ciel se forme pour notre œil, ils s’embrasent et se colorent, sans que l’on voie paraître la figure continue d’un arc, et, à cette place, brille une flamme changeante, qui passe et revient sans cesse. Nous grimpâmes tout auprès, nous nous assîmes à côté, et nous désirâmes de pouvoir passer à cette place des heures et des jours. Cette fois encore, comme bien souvent dans ce voyage, nous comprîmes qu’on ne peut sentir et goûter les grandes choses en passant. Nous gagnAmes un village où se trouvaient de joyeux soldats, et nous y bûmes du vin nouveau, comme on nous en avait déjà servi la veille. On dirait, à le voir, de l’eau de savon, mais je le bois plus volontiers que leur vin acide d’un an et de deux ans. Quand on a soif, on se trouve bien de tout. Nous vîmes de loin Saint-Maurice, occupant juste la place où la vallée se resserre en un défilé. A gauche, au-dessus de la ville, nous avons aperçu, adossée à une paroi de rochers, une petite’ église avec un ermitage, où nous avons le projet de monter. Nous avons trouvé ici à l’auberge un billet de notre ami, qui est resté à Bex, à trois quarts de lieue de Saint-Maurice. Nous lui avons expédié un messager. Le comte est allé se promener, pour voir le pays plus avant. Je vais manger un morceau, et j’irai voir le pont et le passage renommés.

A une heure passée.

Je suis revenu de la bourgade, où l’on pourrait rester assis des jours entiers, dessiner, se promener, et, sans en être las, s’entretenir avec soi-même. Si j’avais à conseiller quelqu’un sur la manière de se rendre en Valais, je lui dirais de prendre par le lac de Genève en remontant le Rhône. Je me suis avancé sur la route de Bex, en traversant le grand pont, après lequel on entre d’abord dans le territoire de Berne. Le Rhône coule là-bas, et, du côté du lac, la vallée s’élargit sensiblement. En