Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me retournant, j’ai vu les rochers se resserrer à Saint-Maurice, et, sur le Rhône, qui passe dessous en mugissant, un pont étroit, léger, d’une seule arche, jeté hardiment ; à l’autre bout, s’élèvent, joignant le pont, les murailles et les tours pittoresques d’un château fort, et une seule porte ferme l’entrée du Valais. Je suis revenu par le pont à Saint-Maurice, après avoir cherché un point de vue, dont j’avafs remarqué le dessin chez Huber, et que j’ai à peu près retrouvé.

Le comte est revenu. Il était allé à la rencontre des chevaux, et il a pris les devants sur son cheval brun. Le pont est si beau, dit-il, et d’une construction si légère, qu’il donne l’idée d’un cheval franchissant un fossé. Notre ami arrive à son tour, content de son voyage. Il a parcouru en peu de jours le chemin qui longe le lac de Genève, et s’est avancé jusqu’à Bex. Tout le monde est charmé de se revoir.

Martigny, sur les neuf heures.

Nous sommes revenus de nuit à cheval, et le chemin nous a paru plus long au retour qu’à la venue, où nous étions attirés d’un objet à l’autre. Et puis je me sens tout àllait rassasié pour aujourd’hui de réflexions et de descriptions : cependant en voici deux belles, que je veux encore fixer bien vite dans le souvenir. Nous avons repassé devant Pissevache, le crépuscule étant déjà très-avancé. Les montagnes, la vallée et même- le ciel étaient obscurs et sombres. La cascade grisâtre, tombant avec un sourd murmure, se distinguait de tous les autres objets ; on n’apercevait presque aucun mouvement. L’obscurité était devenue toujours plus grande ; tout à coup nous vîmes la crête d’une très-haute montagne embrasée comme le bconze fondu dans le fourneau, et une rouge vapeur qui s’en exhalait. Ce phénomène étrange était produit par le soleil du soir éclairant la neige et le brouillard qui s’élevait de sa surface.

’«

Sion, 8 novembre 1779, après trois heures.

Nous avons fait ce matin un faux pas, et nous nous sommes attardés au moins de trois heures. Nous sommes partis à cheval de Martigny avant le jour, pour arriver de bonne heure à Sion. Le temps était d’une beauté extraordinaire, seulement, le soleil