Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/73

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vers les pâturages. Bientôt nous arrivâmes à Inden où nous laissâmes à droite sur nos têtes le chemin escarpé par lequel nous étions descendus la veille, et nous gagnâmes par le pâturage le ravin, qui se trouvait maintenant à notre gauche. Il est sauvage et boisé, mais on le descend par un chemin tout à fait passable. C’est par cette crevasse que l’eau qui vient des bains de Louëche s’écoule dans la vallée. Nous vîmes sur la hauteur, à côté du rocher par lequel nous étions descendus la veille, un aqueduc artistement taillé, qui amène une source, d’abord en ce lieu, puis, par une grotte de la montagne, au. prochain village. Alors nous dûmes remonter une colline, et nous vîmes bientôt le Valais à découvert et la laide ville de Louëche sous nos pieds. Ces petites villes sont le plus souvent appliquées contre la montagne ; les toits sont négligemment couverts de bardeaux grossiers, déchirés, que les saisons noircissent, pourrissent et couvrent de mousse. Dès l’entrée on est saisi dé dégoût, car tout est malpropre ; l’indigence et les chétives ressources de ces hommes libres et privilégiés sont partout manifestes. Nous trouvâmes notre ami, qui nous apportait la fâcheuse nouvelle qu’il commençait à devenir très-difficile d’aller plus loin avec les chevaux. Les écuries sont plus petites et plus étroites, parce qu’elles ne sont construites que pour les mulets et les bêtes de somme ; l’avoine commence à devenir aussi très-rare : on dit même que, plus avant dans les montagnes, on n’en trouve plus du tout. Notre résolution fut bientôt prise : notre ami redescendrait le Valais avec les chevaux, et, prenant par Bex, Vevey, Lausanne, Fribourg et Berne, il se rendrait à Lucerne ; le comte et moi, nous voulûmes poursuivre notre voyage et remonter le Valais, pour essayer d’atteindre le Saint-Gothard : puis, traversant le canton d’Ouriet le lac des Quatre-Cantons, nous arriverions aussi à Lucerne. On trouve partout dans ces contrées des mulets, qui, pour ces routes, valent mieux que les chevaux, et enfin aller à pied est toujours le plus agréable. Nous avons séparé nos effets ; notre ami est parti ; notre portemanteau est chargé sur un mulet que nous avons loué : c’est dans cet équipage que nous voulons nous mettre en route et gagner à pied la ville de Brieg. Le ciel se brouille un peu, mais la bonne fortune, qui nous a suivis jusqu’à pré-