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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/84

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tenir cette marche sans grande fatigue. Je ne voudrais pas dire cependant que ce fût une promenade. Le chasseur Hermann assurait qu’il avait eu dans la forêt de Thuringe des neiges aussi, profondes, mais il ne put s’empêcher à la fin, de qualifier la Furca en termes énergiques. Un lammergeier1 passa sur nos têtes avec une incroyable vitesse : c’est le seul être vivant que nous ayons rencontré dans ces solitudes. Nous vîmes briller au soleil, dans le lointain, les montagnes de la vallée d’Urseren. Nos guides Voulaient entrer dans un chalet de pierre abandonné, rempli de neige, et prendre quelque nourriture ; mais nous les entraînâmes, afin de ne pas nous arrêter dans l’air froid. Ici serpentent de nouveau d’autres vallées, et nous vîmes bientôt à découvert celle d’Urseren. Nous pressâmes le pas et, après avoir marché trois heures et demie depuis la croix, nous vîmes les toits épars de Réalp. Nous avions questionné plusieurs fois nos guides sur l’auberge, et particulièrement sur le vin que nous pouvions trouver à Réalp. L’espérance qu’ils nous donnaient n’était pas fort brillante, cependant ils nous assurèrent que les capucins du lieu, sans tenir un hospice comme ceux du SaintGolhard, avaient coutume d’héberger quelquefois les voyageurs : nous trouverions chez eux de bon vin rouge et une meilleure table qu’à l’auberge ; Nous envoyâmes en avant un de nos guides, afin de disposer les pères en notre faveur et de nous assurer un gîte. Nous ne tardâmes pas" à le suivre et nous arrivâmes bientôt après lui. Un père de haute taille et d’un extérieur remarquable nous reçut à la porte. 11 nous fit entrer avec une grande civilité, et, sur le seuil même, il nous pria de vouloir bien les excuser, attendu qu’ils n’étaient pas arrangés, et surtout dans cette saison, pour héberger des hôtes tels que nous. Il nous mena aussitôt dans une chambre chauffée, et s’empressa de nous servir pendant que nous ôtions nos bottes et que nous changions de linge. Il nous pria à diverses reprises de faire absolument comme si nous étions chez nous. Pour la cuisine, disait-il, il faudrait nous résigner, attendu qu’ils étaient au milieu de leur long jeûne, qui dure jusqu’à Noël. Nous lui assurâmes que, dans notre situation, une chambre chaude, un morceau de pain


1. Vautour des agneaux, gypaëte.