Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/88

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gate, nous avons une traduction approuvée de la Vulgate, et, pour chaque maxime, une interprétation approuvée par l’Église. De là cette concordance, qui doit faire l’étonnement de chacun. Que vous m’entendiez parler ici, dans ce coin reculé du monde, ou dans la plus grande capitale" du pays le plus éloigné ; que vous entendiez le plus inhabile ou le plus savant : lous parleront un seul et même langage ; un catholique romain entendra toujours la même chose ; partout il sera instruit, édifié de la même façon ; et c’est ce qui fait la certitude de notre foi ; ce qui nous donne le doux contentement, la douce assurance dans laquelle nous vivons, fermement unis l’un avec l’autre, et nous pouvons nous séparer les uns des autres avec l’assurance de nous retrouver plus heureux. » Il avait débité successivement toutes ces réflexions comme dans un discours, plutôt avec le sentiment agréable de se montrer à nous par un côté avantageux, qu’avec le ton d’un catéchiste bigot. Ses mains changeaient tour à tour de position ; il les cachait quelquefois ensemble dans les manches de son froc ; et les laissait reposer sur son ventre ; parfois il tirait décemment sa tabatière de son capuchon, et l’y rejetait suivant l’usage. Nous l’écoutions attentivement, et il paraissait fort satisfait de notre manière d’accueillir sa doctrine. Quel n’eût pas été sonétonnement, si un esprit lui avait révélé soudain qu’il adressait sa harangue à un descendant de Frédéric le Sage !

Le 13 novembre 1779, au sommet du Saint-Gothard, chez les Capucins. Dix heures du matin.

Nous sommes enfin heureusement parvenus au point culminant de notre voyage. Nous voulons, c’est résolu, nous arrêter ici, et tourner nos pas vers la patrie. J’éprouve de singulières impressions dans ces hauts lieux, où je passai quelques jours, il y a quatre ans, dans une autre saison, avec des préoccupations, des sentiments, des espérances et des projets tout différents, lorsque, sans prévoir le sort qui m’attendait, poussé par je ne sais quel mobile, je tournai le dos à l’Italie, et marchai, sans le savoir, au-devant de ma destinée actuelle. Je ne reconnus pas la maison. Quelque temps auparavant, une avalanche l’avait fort endommagée : les pères ont saisi cette occasion et fait une collecte dans le pays, pour agrandir leur habitation et la rendre