Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/120

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Ils firent le tour du monastère pour gagner leur chemin. Ils devaient passer un étroit petit pont, et Reineke se retournait encore du côté des poules. Il faisait de vains efforts sur luimême. On lui aurait coupé la tête, qu’il eût toujours volé après les poules, si violent était son désir.

Grimbert l’observait, et il s’écria :

« Mon neveu, où laissez-vous encore vos yeux se promener ? En vérité, vous êtes un odieux glouton ! »

Reineke répondit :

« Vous avez tort, monsieur mon oncle. Point de jugements précipités, et ne troublez pas mes prières. Laissez-moi dire un pater. Elles en ont besoin, toutes les âmes des poules et des oies que j’ai dérobées, par mon adresse, à ces nonnes, ces saintes femmes. »

Grimbert se tut, et Reineke ne détourna pas les yeux de dessus les poules, aussi longtemps qu’il put les voir. Enfin ils rejoignirent la bonne route, et ils approchèrent de la cour. Et, quand Reineke aperçut le château du roi, il fut troublé au fond du cœur, car il était gravement inculpé.

CHANT QUATRIEME.

Quand on eut appris à la cour que Reineke venait en effet, chacun se hâta de sortir pour le voir, les grands comme les petits. Bien peu étaient favorablement disposés ; presque tous avaient à se plaindre. Mais cela ne semblait à Reineke d’aucune conséquence. Telle était du moins sa contenance, lorsque, avec Grimbert, le blaireau, il s’avança, d’un air gracieux et hardi, par la haute avenue. Il s’approcha, courageux et calme, comme s’il eût été le propre fils du roi, exempt et pur de tous péchés.