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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/122

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selon votre volonté, et, toute claire que la chose paraît, décider ce qu’il vous plaira, que ce soit pour mon salut, que ce soit pour ma perte. Si je dois être bouilli, rôti, aveuglé ou pendu ou décapité, ainsi soit-il ! Nous sommes tous en votre pouvoir, vous nous tenez dans vos mains. Vous êtes fort et puissant : comment le faible résisterait-il ? S’il vous plaît de me mettre à mort, ce sera pour vous assurément un petit avantage ; mais, advienne que pourra, je me présente loyalement en justice. »

Alors Bellin le bélier s’écria : « Le moment est venu : portons plainte. » Et Ysengrin se présenta avec ses parente, Hinze, léchât, et Brun, l’ours, et des bêtes en foule. On vit encore l’âne Baudouin, et Lampe le lièvre, Wackerlos le petit chien, et Ryn le dogue, la chèvre Metke, Hermen le bouc ; puis l’écureuil, la belette et l’hermine. Le bœuf et le cheval n’étaient pas non plus restés en arrière. Avec eux on vit les bêtes sauvages, comme le cerf 6t le chevreuil, et Bockert le castor, la martre, le lapin, le sanglier, et tous se pressaient à l’envi. Bartolt la cigogne, et Markart le geai, et Lutke la grue, vinrent à tire-d’ailes ; se présentèrent aussi, Tybbke le canard, Alheid l’oie, et d’autres encore, exposant leurs griefs. Henning, le triste coq, avec le peu d’enfants qui lui restaient, faisait des plaintes véhémentes ; il vint des oiseaux sans nombre et des bêtes aussi. Qui pourrait nommer cette multitude ? Tous, ils tombaient sur le renard ; ils espéraient publier ses crimes et contempler son supplice. Ils se pressaient devant le roi, avec des discours violents ; ils entassaient plainte sur plainte, et produisaient les histoires vieilles et nouvelles. On n’avait jamais entendu, en un jour d’audience, tant de plaintes devant le trône du roi. Reineke se tenait là tranquille, et savait se conduire avec beaucoup d’adresse. Car, s’il prenait la parole, ses discours pleins de grâce coulaient, pour sa justification, comme vérité pure. Il savait tout écarter et tout établir. Qui l’entendait était émerveillé et le croyait justifié. Il avait même des droits en sa faveur et bien des plaintes à faire. Mais enfin il se présenta, pour accuser Reineke, des gens honnêtes, véridiques, qui témoignèrent contre lui, et tous ses crimes se trouvèrent éclaircis. C’en était fait ; car, dans le conseil du roi, l’on décida, d’une voix unanime, que Reineke, le renard, était passible de mort. « II faut le saisir, il faut l’enchaîner et le