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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/123

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pendre par le cou, afin qu’il expie par une mort infâme ses graves attentats. »

Alors Reineke lui-même crut la partie perdue. Ses habiles paroles avaient eu peu d’effet. Le roi prononça la sentence. Quand l’effronté malfaiteur fut pris et enchaîné, sa fin lamentable plana devant ses yeux.

Lors donc qu’à teneur de la sentence et de la loi, Reineke fut mis aux fers, que ses ennemis s’ébranlèrent pour le mener promptement à la mort, ses amis furent consternés et douloureusement affligés : c’étaient Martin le singe, avec Grimbert et beaucoup de gens de la clique de Reineke. Ils avaient entendu le jugement avec chagrin, et ils étaient tous affligés plus qu’on ne l’aurait cru. Aussi Reineke était un des premiers barons, et maintenant on le voyait dépouillé de tous ses honneurs et dignités, et condamné à une mort infâme. Combien ce spectacle devait révolter ses parents ! Ils prirent tous ensemble congé du roi, et, tous tant qu’ils étaient, ils s’éloignèrent de la cour. Le roi fut affligé de voir que tant de chevaliers le quittaient. On voyait la foule des parents qui s’éloignaient, trèsmécontents de la mort de Reineke. Et le roi dit à un de ses confidents :

« Reineke est sans doute méchant, mais on devrait réfléchir que beaucoup de ses parents sont indispensables à la cour. »

Cependant Ysengrin, Brun et Hinze, le. chat, faisaient diligence autour du prisonnier ; ils voulaient faire subir à leur ennemi la peine infamante, comme le roi l’avait ordonné ; ils l’entraînaient à la hâte, et voyaient de loin le gibet. Alors le chat courroucé dit au loup :

« Rappelez-vous, seigneur Ysengrin, comme Reineke travailla de toutes ses forces, comme sa haine réussit à voir votre frère au gibet ; qu’il fut aise de l’accompagner ! Ne tardez pas à le payer selon son mérite. Et vous, seigneur Brun, il vous a outrageusement trahi ; il vous a perfidement livré, dans la cour de Rusteviel, à une troupe furieuse et grossière d’hommes et de femmes, aux coups, aux blessures et à la honte enfin, qui est connue en tous lieux. Prenez garde et tenez ferme. S’il nous échappait aujourd’hui, si son esprit et ses méchantes ruses le délivraient, jamais l’heure de la douce vengeance ne nous se-