Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/128

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Alors il se disposa à faire, sur nouveaux frais, de furieux mensonges.

« Si je pouvais, se dit-il, regagner la faveur du roi et de la reine, et si, par mes artifices, je parvenais en même temps à perdre les ennemis qui m’ont amené en face de la mort, cela me sauverait de tous dangers. Certainement ce serait pour moi un avantage inattendu ; mais, je le vois d’avance, il faut des mensonges, il en faut sans mesure. »

La reine interrogea de nouveau Reineke avec impatience.

« Sachons clairement comme la chose s’est passée. Dites-nous la vérité, veillez sur votre conscience, délivrez votre âme de ce fardeau.

Reineke répondit :

« Je vous instruirai volontiers. Je vais mourir ; plus de moyen d’échapper. Si je voulais charger ma conscience à la fin de ma vie, encourir les peines éternelles, ce serait agir follement. Il vaut mieux que j’avoue, et si, par malheur, je dois accuser mes chers parents et mes amis, hélas ! je n’en puis mais : je suis menacé des tourments de l’enfer. *

Pendant cet entretien, le roi se sentait déjà le cœur oppressé. Il dit :

« Parles-tu selon la vérité ? »

Reineke répondit, en composant son visage :

« Certes, je suis un homme coupable ; cependant je dis la vérité. Que me servirait-il de vous mentir ? Je prononcerais moi-même ma condamnation éternelle. Vous le savez bien, il est résolu que je dois périr : je suis en face de la mort et je ne mentirai pas, car il n’est ni bien ni mal qui puisse me venir en aide. »

Reineke prononça ces paroles en tremblant ; il parut saisi de crainte, et la reine dit :

« J’ai pitié de son trouble. Monseigneur, je vous en prie, regardez-le avec miséricorde, et, songez-y bien, après son aveu, nous éviterons beaucoup de maux. Sachons, le plus tôt possible, le fond de l’histoire. Ordonnez à chacun de se taire, et laissez Reineke parler publiquement. »

Sur l’ordre du roi, toute l’assemblée fit silence, et Reineke prit la parole.