Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/127

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ne fût polie et rongée absolument. Il fallait me résigner à tout cela. Mais, Dieu merci, je ne souffrais pourtant pas de la faim : je me nourrissais en secret de mon magnifique trésor, de l’or et de l’argent que je garde cachés dans un lieu sûr. J’en ai en suffisance. Point de voiture qui pût l’emmener, quand elle y viendrait à sept reprises. »

Le roi, qui l’écoutait, entendant parler du trésor, se pencha en avant et lui dit :

« D’où vous est-il venu ? Expliquez-vous…. Je veux dire le trésor. »

Reineke répondit :

  • Je ne vous tairai point ce secret. A quoi pourrait-il me servir ? Je n’emporterai avec moi aucune de ces choses précieuses. Et, puisque vous l’ordonnez, je vous conterai tout. 11 faut parler enfin ; pour aucune raison je ne voudrais, en vérité, cacher ce grand secret plus longtemps. Le trésor fut volé. Beaucoup de gens avaient conjuré, sire, de vous assassiner, et si, à la même heure, le trésor n’avait été subtilement dérobé, la chose était faite. Prenez-y garde, gracieux seigneur, car votre vie et votre salut tiennent à ce trésor. Et le vol qu’on en fit devint, hélas ! pour mon propre père la source de grandes calamités ; il en fut amené de bonne heure au triste passage, peut-être aux peines éternelles. Mais, monseigneur, cela est arrivé pour votre bien. »

La reine entendit avec saisissement ces paroles menaçantes, le mystère confus de l’assassinat médité sur son époux, de cette trahison, du trésor et de tout le reste.

  • Reineke, s’écria-t-elle, songez que vous êtes en présence du grand voyage ; déchargez votre conscience avec repentir ; dites la pure vérité et parlez-moi clairement de l’assassinat. »

Le roi ajouta :

« Que chacun se taise. Reineke, descends, et viens (car la chose me concerne moi-même), viens plus près de moi, afin que je l’entende. »

A ces mots, Reineke se sentit rassuré ; il descendit l’échelle, au grand chagrin de ses ennemis ; il s’approcha du roi et de son épouse, qui lui demandèrent avec empressement comment les choses s’étaient passées.