Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/131

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« me disais-je en silence ; ce serait un triste échange, d’élever « sur le trône un ours, un méchant lourdaud. > Je rêvai à la chose quelques semaines, et cherchais à l’empêcher. Je .compris, avant tout, que, si mon père restait maître de son trésor, il réunirait beaucoup de monde ; il gagnerait sûrement la partie, et le roi nous serait ravi. Alors mes pensées tendirent à découvrir le lieu où se trouvait le trésor, afin de le dérober secrètement. Si mon père, le vieux madré, se mettait en campagne ; s’il courait au bois, de jour ou de nuit, par la gelée ou le chaud, par le sec ou l’humide, j’étais à ses trousses, et je guettais sa marche. Un jour, j’étais couché, blotti dans la terre, cherchant et rêvant par quel moyen je pourrais découvrir le trésor, dont je savais tant de merveilles. Tout à coupj’aperçus mon père qui se glissait hors d’une fente ; il sortait d’entre les rochers et montait d’une profondeur. Je restai lu immobile et caché. Il se croyait seul ; il jeta les yeux de tous côtés, et, ne voyant personne ni près ni loin, il commença son jeu. Il faut vous le faire connaître. Il recouvrait le trou avec du sable, et savait adroitement l’aplanir comme le sol d’alentour. Qui n’avait pas vu la chose ne pouvait le reconnaître. Et, avant de s’éloigner, il savait balayer entièrement avec sa queue la place où ses pieds s’étaient posés, et il en fouillait la trace avec son museau. Voilà ce que m’apprit, ce jour-là, mon rusé de père, qui était passé maître en malices, fourberies et toute sorte de tours. Cela fait, il courut à ses affaires. Alors je me demandai si le magnifique trésor ne se trouvait point dans le voisinage. J’accourus, et m’étant mis à l’œuvre, j’eus bientôt ouvert la crevasse avec mes pattes ; je me traînai dedans avec curiosité. J’y trouvai de précieux trésors, de l’argent fin et de l’or vermeil en abondance. En vérité, le plus vieux de cette assemblée n’en a jamais tant vu. Je me mis à l’ouvrage avec ma femme ; nous portâmes, nous traînâmes, jour et nuit ; nous ne possédions ni charrettes ni voitures ; il nous en coûta beaucoup de peine et de fatigues ; dame Ermeline les supporta fidèlement, et nous finîmes par emporter les joyaux à une place qui nous paraissait plus commode. Cependant mon père avait journellement des conférences avec ceux qui trahissaient notre roi. Ce qu’ils résolurent, vous le saurez et vous en frémirez. Brun