Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/138

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à Rome, et, de là, il passera la mer. Il n’en reviendra pas avant d’avoir obtenu pleine absolution de ses péchés. » Là-dessus Hinze se tourna, en colère, vers Brun et Ysengrin :

  • Voilà nos peines et nos travaux perdus ! s’écria-t-il. Oh ! fusse-je loin d’ici ! Si Reineke est rentré en faveur, il mettra en œuvre toutes les ruses pour nous détruire tous trois. J’ai perdu un œil : je crains pour l’autre.

— Le cas est difficile, dit Brun, je le vois. »

Ysengrin répliqua :

« La chose est étrange ! Allons droit au roi. »

Aussitôt il se présenta, tout chagrin, avec Brun, devant le roi et la reine. Ils parlèrent beaucoup contre Reineke ; ils parlèrent violemment. Le roi leur dit :

« Ne l’avez-vous pas entendu ? Je l’ai de nouveau reçu en grâce. »

Le roi parlait ainsi avec colère, et, à l’instant, il fit saisir, lier et garrotter l’un et l’autre. Car il songeait à ce qu’il avait appris de Reineke et à leur trahison. Ainsi fut entièrement changée à cette heure la situation de Reineke. Il se tir$ d’affaire et ses accusateurs se virent confondus. Il sut même, par sa ruse, amener les choses au point qu’on- enleva à l’ours un morceau de son cuir, d’un pied de long et un pied de large, afin de lui en faire un petit sac de voyage. Ainsi équipé, il avait assez l’air d’un pèlerin. Mais il pria la reine de lui faire avoir aussi des souliers et il dit :

« Vous me reconnaissez, cette fois, tout de bon, noble dame, pour votre pèlerin : aidez-moi donc à faire le voyage. Ysengrin a quatre bons souliers : l’équité voudrait qu’il m’en cédât une paire pour ma route. Faites, noble dame, que je les obtienne par mon seigneur le roi. Mme Giremonde pourrait bien aussi se passer d’une paire des siens : car, en bonne ménagère, elle reste le plus souvent dans sa chambre. »

La reine se montra favorable à cette requête.

« Ils peuvent bien, dit-elle gracieusement, se passer chacun d’une paire. •

Reineke la remercia et dit, avec une joyeuse révérence :

  • Puisque j’obtiens encore quatre bons souliers, je ne veux pas tarder. Toutes les bonnes œuvres que je pourrai faire comme