Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/143

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hâtèrent d’écorcher le lièvre et s’en régalèrent à plaisir. La renarde le trouvait exquis, et ne cessait de s’écrier :

c Grand merci.au roi et à la reine ! Nous faisons, par leur grâce, un repas délicieux. Que Dieu les récompense !

— Mangez, mangez, dit Reineke. C’est bien assez pour cette fois. Nous sommes tous rassasiés, et je me propose d’en attraper davantage : ils finiront tous par me payer leur écot, ceux qui s’attaquent à Reineke et qui songent à lui faire tort. »

Dame Ermeline prit la parole :

« Je voudrais apprendre de vous comment vous êtes sorti d’affaire.

— Il me faudrait bien des heures, répondit-il, pour vous raconter comme j’ai subtilement tourné le roi, et comme je l’ai trompé lui et son épouse. Oui, je ne vous le cache pas, mon amitié avec le roi est fragile et ne subsistera pas longtemps. Quand il saura la vérité, il entrera dans une furieuse colère. S’il me tient de nouveau en son pouvoir, ni l’or ni l’argent ne pourront me sauver ; il me poursuivra certainement et tâchera de me prendre. Je ne puis attendre aucune grAce, je le sais parfaitement. Il ne manquera pas de me pendre. Il faut nous sauver. Fuyons en Souabe. Là nous ne serons connus de personne. Nous nous conformerons aux usages du pays. Le ciel nous aide ! C’est là qu’on trouve une douce nourriture et tous les biens en abondance : des coqs, des oies, des lièvres, des lapins, et le sucre, et les dattes, les figues, les raisins secs, et des oiseaux de toute sorte et de toute grandeur ; et, dans le pays, on cuit le pain au beurre et aux œufs ; l’eau est limpide et pure, l’air est agréable et serein ; il y a des poissons en abondance, qu’on appelle gallines, et d’autres qu’on nomme pullus et gallus et anas : qui pourrait les nommer tous ? Voilà des poissons à mon goût ! Je n’ai pas besoin de les pêcher dans l’eau profonde. C’était ma nourriture ordinaire,’quand je menais ma vie d’ermite. Oui, ma petite femme, si nous voulons enfin jouir de la paix, partons, suivez-moi. Mais écoutez-moi bien : le roi m’a laissé échapper cette fois, parce que je lui ai débité d’étranges impostures. J’ai promis de lui livrer le trésor magnifique du roi Emmeric ; j’ai dit comme il se trouvait près de Krekelborn : quand ils iront le chercher, ils ne trouveront ni ceci ni cela ; ils fouil-