Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/144

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leront vainement la terre, et, quand le roi se verra trompé de la sorte, il sera horriblement furieux. Car, ce que j’ai imaginé de mensonges, avant d’échapper, vous pouvez vous le figurer. Vraiment J’avais déjà la corde au cou. Je ne fus jamais dans un plus grand péril, ni plus cruellement tourmenté. Non, je ne souhaite pas de me revoir dans un pareil danger. Bref, quoi qu’il me puisse arriver, je ne me laisserai jamais persuader de retourner à la cour, pour me remettre au pouvoir du roi. Certes il me faudrait être bien habile pour tirer à grand’peine mon pouce de ses mâchoires. »

Mme Ermelitie dit tristement :

« Que deviendrons-nous ? nous serons étrangers et misérables dans tout autre pays. Ici nous avons tout à souhait. Vous êtes le maître de vos paysans. Et vous est-il si nécessaire de risquer une aventure ? En vérité, quitter le certain pour, chercher l’incertain n’est ni sage ni glorieux. Nous vivons ici en sûreté. Combien le château n’est-il pas fort ? Quand le roi nous envahirait avec son armée, quand il occuperait la route avec ses forces, nous avons tant de portes dérobées, tant d’issues secrètes, que nous échapperons heureusement. Vous le savez mieux que moi, pourquoi faut-il que je le dise ? Avant de nous tenir par force dans ses mains, il aurait bien à faire. Cela ne m’inquiète point. Mais, que vous ayez juré de passer la mer, voilà ce qui m’afflige. Je me possède à peine. Comment cela finira-t-il ?

— Chère femme, ne vous affligez pas, répondit Reineke. Écoutez-moi et retenez bien ceci : mieux vaut jurer que pleurer. Voici ce que me dit une fois un sage au confessionnal, a Un seri ment forcé signifie peu de chose. » Cela ne m’arrête pas plus que la queue du chat. C’est le serment que je veux dire : vous m’entendez. Qu’il en soit comme vous avez dit : je reste à la maison. A vrai dire, j’ai peu de chose à espérer de Rome, et, quand j’en aurais fait dix fois le serment, je ne voudrais jamais voir Jérusalem. Je reste auprès de vous, et certes j’y serai plus à mon aise. Je ne trouverais pas ailleurs mieux que je n’ai. Si le roi veut me faire de la peine, il faut que je l’attende. Il est fort et trop puissant pour moi, mais je réussirai peut-être à l’attraper encore, à le coiffer du bonnet à grelots. Que je vive, et il trouvera pis qu’il ne cherche. J’en fais serment. »