Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fait, et l’on s’en souviendra longtemps. Se moquer de mon sauf-conduit et de mes ordonnances ! Je ne veux pas le souffrir. Je me suis fié au scélérat et l’ai laissé échapper beaucoup trop aisément. Je l’ai même équipé en pèlerin, et l’ai vu partir d’ici comme se rendant à Rome. Que de choses le menteur ne nous a-t-il pas fait accroire ! Comme il a su gagner aisément l’intercession de la reine ! Elle m’a persuadé ; maintenant il est échappé. Mais je ne serai pas le dernier qui se soit repenti d’avoir suivi les conseils des femmes. Et, si nous laissons plus longtemps le scélérat courir impuni, c’est pour nous une honte. Il fut toujours un fripon et le sera toujours. Or, messieurs, délibérez ensemble sur les moyens de l’arrêter et de lui faire son procès. Si nous y mettons de la vigueur, la chose réussira. »

Ysengrin et Brun entendirent avec joie le discours du roi. « Nous serons enOn vengés, » se disaient-ils l’un et l’autre ; cependant ils n’osèrent prendre la parole : ils voyaient que le roi était troublé et irrité à l’excès. La reine dit enfin :

« II ne faudrait pas, monseigneur, vous courroucer si violemment, ni jurer si aisément : votre dignité en est compromise et vos paroles en ont moins de poids. Nous ne voyons point encore la vérité dans tout son jour ; il faut commencer par entendre l’accusé. S’il était présent,.tel qui.parle contre Reineke resterait muet. Il faut toujours entendre les deux par tics. Plus d’un téméraire porle plainte pour couvrir ses crimes. J’ai tenu Reineke pour habile et sage ; je ne songeais pas à mal et n’avais que votre intérêt devant les yeux, bien que les choses aient tourné autrement. Car ses conseils sont bons à suivre, si sa vie mérite quelque blâme. Il faut d’ailleurs bien considérer l’étroite alliance de sa race. La précipitation-ne rend pas les choses meilleures, et, ce que vous résoudrez, vous finirez toujours par l’accomplir comme maître et souverain. »,

Là-dessus Lupardus prit la parole :

« Vous écoutez tant d’avis, écoutez aussi celui-là : que Reineke comparaisse, et, ce que vous résoudrez, qu’on l’exécute sur-le-champ. C’est là probablement ce que pensent tous les seigneurs, comme votre noble épouse. »

Ysengrin dit à son tour :

« Que chacun conseille pour le mieux. Seigneur Lupardus,