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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/156

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le jeu de Reineke. Ils saisiront vivement et ne feront pas faux bond. C’est là, selon moi, l’essentiel.

— Cela fait honneur, dit Grimbert, et l’on peut se féliciter d’avoir des enfants tels qu’on les désire, qui s’accoutument de bonne heure au métier pour aider leurs parents. Je me réjouis sincèrement de les savoir de ma famille, et j’espère merveilles.

— Restons-en là pour aujourd’hui, reprit Reineke. Allons nous coucher, car nous sommes tous fatigués, et Grimbert surtout est accablé. »

Ils se couchèrent dans la salle, qui était jonchée abondamment de foin et de feuilles, et ils dormirent ensemble. Mais l’inquiétude tint Reineke éveillé. La chose lui semblait exiger de sages mesures, et le matin le trouva dans ses réflexions. Il se leva de sa couche et dit à sa femme :

« Ne vous affligez pas. Grimbert m’a prié de le suivre à la cour. Restez tranquillement à la maison. Si quelqu’un parle de moi, donnez aux choses le tour le plus favorable, et gardez le chùteau : comme cela, tout ira bien pour nous. »

Mme Ermeline dit alors :

« Cela me semble étrange ! Vous osez retourner a la cour, où l’on est si mal disposé pour vous ! Êtes-vous forcé ? Je ne conçois pas cela. Songez au passé.

— Assurément, reprit Reineke, ce n’était pas une plaisanterie. Beaucoup de gens me voulaient du mal ; je me suis trouvé dans une grande détresse. Mais il se passe bien des choses sous le soleil. Contre toute apparence, on éprouve ceci et cela, et qui pense tenir une chose en est privé tout à coup. Laissez-moi donc aller. J’ai maintes choses à faire là-bas. Demeurez tranquille, je vous en prie, vous n’avez nul besoin de vous tourmenter. Attendez : vous me reverrez, ma chère, si du moins cela m’est possible, dans cinq ou six jours. »

A ces mots, il partit, accompagné de Grimbert, le blaireau.