Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/163

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sont chaque jour, à chaque heure, occupés diligemment au service du Seigneur, et ils font le bien, ils sont utiles à la sainte Église ; ils savent, par un pieux exemple, conduire les laïques à la bonne porte sur le chemin du salut. Mais je connais aussi les frocards : ils crient et bavardent toujours pour l’apparence, et toujours ils cherchent les riches ; ils savent flatter les gens et n’aiment rien tant que la table. Si l’on convie l’un, l’autre vient aussi, et aux premiers s’en joignent encore deux ou trois. Et, dans le couvent, qui sait bien jaser est élevé en dignité : on le fait lecteur ou custode ou prieur. On laisse les autres de côté. Les plats sont servis de la manière la plus inégale : en effet les uns doivent chanter, officier, la nuit, dans le chœur, visiter les tombeaux ; les autres ont la bonne part et le loisir, et mangent les fins morceaux. Et les légats du pape, les abbés, les prieurs, les prélats, les béguines, les nonnes…. c’est là qu’on aurait beaucoup à dire ! Partout la même chanson : « Donnez-moi le « vôtre et laissez-moi le mien. » 11 s’en trouve peu vraiment, il ne s’en trouve pas sept, qui, selon les règles de leur ordre, mènent une sainte vie. Et voilà comme l’état ecclésiastique est faible et chancelant.

— Oncle, dit le blaireau, je trouve que vous confessez surtout les péchés d’autrui. Qu’est-ce que vous y gagnerez ? Il me semble qu’il suffirait des vôtres. Et dites-moi, mon oncle, ce qui vous pousse à vous inquiéter du clergé, et de ceci et de cela ? Que chacun porte son fardeau, et que chacun dise et fasse voir comme il s’efibrce de remplir les devoirs de son état : nul ne doit s’y soustraire, ni vieux, ni jeune, ni dans le monde ni dans le cloître. Mais vous discourez trop sur mille choses diverses, et vous pourriez à la fin m’induire en erreur. Vous savez parfaitement comme va le monde et comme tout est disposé : nul ne serait meilleur curé. Je viendrais, avec les autres ouailles, rne confesser chez vous, pour entendre vos leçons, pour apprendre votre sagesse ; car, en vérité, il faut que je l’avoue, la plupart d’entre nous sont grossiers et stupides, et ils en auraient besoin. «

En discourant ainsi, ils s’étaient approchés de la cour du roi.

« Le sort en est jeté, » dit Reineke, en recueillant toute sa force.