Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Reineke répondit :

« Vous me dites la vérité ; je vous rends mille grâces pour ces précieux encouragements ; si je recouvre la liberté, je saurai les reconnaître. »

II jeta les yeux autour de lui ; il se trouvait dans l’assemblée beaucoup de ses parents, mais peu de partisans : il avait souvent rendu à la plupart de mauvais services ; même parmi les • loutres et les castors, parmi les grands et les petits, il avait exercé sa malice. Cependant il découvrit encore bon nombre d’amis dans la salle du roi.

Reineke s’agenouilla devant le trône et dit avec retenue :

Dieu, à qui toutes choses sont connues, et qui demeure puissant en éternité, veuille vous garder toujours, mon seigneur et roi ; veuille garder aussi Madame la reine, et puisset-il vous donner à tous deux la sagesse et les bonnes pensées, afin que vous reconnaissiez avec discernement le juste et l’injuste ; car il règne aujourd’hui beaucoup de fausseté parmi les hommes ; beaucoup de gens paraissent au dehors ce qu’ils ne sont pas. Oh ! si chacun portait écrit sur le front ce qu’il pense, et si le roi le voyait, on reconnaîtrait que je ne mens pas et que je suis toujours prêt à vous servir. Il est vrai que les méchants m’accusent avec emportement ; ils voudraient me nuire et me ravir votre faveur, comme si j’en étais indigne. Mais je sais quel est, chez mon seigneur et roi, l’austère amour de la justice : nul ne pourrait l’induire à restreindre jamais la voie du droit, et sa volonté subsistera. •»

Tout le monde approchait et se pressait ; chacun admirait l’audace de Reineke ; chacun désirait l’entendre. Ses crimes étaient connus, comment voulait-il échapper î

Reineke, scélérat, dit le roi, pour cette fois, tes paroles effronté"es ne te sauveront pas ; elles ne t’aideront pas plus longtemps à déguiser le mensonge et l’imposture : tu es arrivé au terme. Apparemment tu as montré comme tu m’es fidèle, dans ta conduite avec le lapin et la corneille ! Gela serait suffisant : mais tu exerces la trahison en tous lieux ; tes malices sont per•fides et soudaines. Elles ne dureront pas plus longtemps : car la mesure est comble. Je ne m’arrêterai pas davantage aux remontrances. »