Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/168

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Reineke se dit à lui-même :

« Que vais-je devenir ? Oh ! si je pouvais seulement regagner ma demeure ! Où trouverai-je un moyen de défense ? Quoi qu’il arrive, il faut aller en avant : essayons tout. Puissant roi, noble prince, dit-il, en élevant la voix, si vous estimez que j’ai mérité la mort, vous n’avez pas considéré la chose du bon côté. C’est pourquoi je vous prie de vouloir bien d’abord m’entendre. Je vous ai donné autrefois d’utiles conseils ; dans l’adversité, je suis demeuré auprès de vous, quand d’autres s’éloignaient, qui se placent maintenant entre vous et moi pour ma perte, et qui profitent de l’occasion, quand je suis éloigné. Noble sire, quand j’aurai parlé, vous pourrez terminer l’affaire. Si je suis trouvé coupable, assurément je dois en porter la peine. Vous avez peu songé à moi, tandis que j’ai fait, dans le pays, la garde la plus fidèle de nombreuses places et frontières. Pensez-vous que je fusse venu à la cour, si je me sentais coupable de grands ou de petits méfaits ? Je fuirais prudemment votre présence, et j’éviterais mes ennemis. Non certainement, tous les trésors du monde ne m’auraient pas induit à quitter mon château pour venir dans ces lieux. Là j’étais libre et sur mes terres ; mais je n’ai aucune mauvaise action sur la conscience, et c’est pourquoi je suis venu. Gomme j’étais à faire la garde, mon oncle est venu m’apporter la nouvelle qu’il fallait me rendre à la cour. J’avais de nouveau réfléchi aux moyens de me soustraire à l’anathème : là-dessus Martin m’a fait beaucoup de promesses, et m’a juré solennellement qu’il me délivrerait de ce fardeau. » J’irai à « Rome, m’a-t-il dit, et, dès ce moment, je prends toute l’affaire * sur mes épaules. Allez seulement à la cour, vous serez relevé » de l’anathème. » Voilà le conseil que Martin m’a donné. Il doit s’y connaître, car l’excellent évêque, Mgr Ohnegrund, l’emploie constamment. Voilà cinq années que Martin le sert dans les affaires juridiques. C’est ainsi que je suis venu, et je trouve plaintes sur plaintes. Le lapin, mauvais sujet, me calomnie ; eh bien, voici Reineke à présent : qu’il se produise devant mes yeux ! C’est chose facile d’accuser les absents, mais il faut entendre la partie adverse avant déjuger. Ces imposteurs, sur ma foi, ils ont reçu de moi un bon accueil, la corneille comme le lapin. Avant-hier matin, au point du jour, le lapin vient à moi et