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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/209

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toute heure porter de la chair à la bouche ; qui ne s’accommode pas à leurs façons en doit pâtir ; il faut les louer sans cesse, si mal qu’ils agissent, et, par là, on ne fait que les affermir dans leur coupable conduite : ainsi fait toute personne qui ne considère pas la fin. Mais, le plus souvent, ces personnages sont punis, et leur puissance finit tristement. Personne ne les souffre plus ; les poils leur tombent du corps à droite etji gauche : je veux dire que les anciens amis, petits et grands, les abandonnent, les laissent dépouillés, comme tous les chiens quittèrent sur-le-champ leur camarade, quand ils virent son mal et la moitié de son corps outrageusement blessée. Monseigneur, vous m’entendez, on ne parlera jamais ainsi de Reineke : mes amis ne rougiront pas de moi. Je suis infiniment obligé à Votre Grâce, et, si seulement je pouvais toujours connaître votre volonté, je l’accomplirais avec joie.

— Beaucoup de paroles sont inutiles, répondit le roi. J’ai tout entendu et j’ai compris votre pensée. Je veux vous revoir, noble baron, vous revoir, comme autrefois, dans le conseil ; je vous fais un devoir de visiter à toute heure mon conseil secret ; je vous rétablis pleinement dans vos honneurs et votre crédit, et vous le mériterez, j’espère. Aidez-moi atout conduire pour le mieux. Je ne puis me passer de vous à la cour, et, si vous unissez la vertu avec la sagesse, personne ne vous surpassera en dignité, et ne donnera des conseils et des directions plus habiles et plus sages. Je n’écouterai plus à l’avenir de plaintes contre vous. Vous parlerez toujours à ma place et vous agirez comme chancelier du royaume. Que mon sceau vous soit donc remis. Ce que vous ferez, ce que vous écrirez, restera fait et écrit. »

C’est ainsi que Rejneke s’est élevé honnêtement à la plus haute faveur : on obéit à tout ce qu’il conseille et résout pour favoriser ou pour nuire.

Reineke remercia le roi et dit :

« Mon noble sire, vous me faites trop d’honneur : je veux le reconnaître, comme j’espère conserver le jugement. Vous en ferez l’expérience. »

Que devenait le loup sur ces entrefaites ? Quelques mots nous l’apprendront. Il était gisant dans la lice, blessé et maltraité.