Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/232

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quillement à la porte de la cour, pour voir les étrangers et la voiture qui devait emmener leur Charlotte…. « Je vous demande pardon, me dit-elle, de vous avoir donné la peine d’entrer, et de faire attendre ces dames. Ma toilette et divers soins de ménage à prendre pour le temps de mon absence, m’ont fait oublier de donner à mes enfants leur goûter, et ils ne veulent recevoir leur pain que de moi. » Je lui fis un compliment insignifiant : je n’étais occupé que de sa figure, de sa voix, de son maintien, et j’étais à peine revenu de ma surprise, qu’elle courut dans sa chambre prendre ses gants et son éventail. Les enfants se tenaient à quelque distance, et me regardaient de côté : j’allai droit au plus jeune, qui était un enfant de la plus heureuse physionomie. Il reculait, au moment où Charlotte reparut et dit : «  Louis, touche la main à monsieur ton cousin. » L’enfant obéit de très-bonne grâce, et, malgré son petit nez barbouillé, je ne résistai pas au plaisir de l’embrasser de bon cœur. « Cousin… ? dis-je ensuite, en présentant la main à Charlotte. Croyez-vous que je mérite le bonheur d’être votre parent ? — Oh ! dit-elle, avec enjouement, notre cousinage est très-étendu, et je serais fâchée que les autres eussent l’avantage sur vous. »_

En partant, elle chargea Sophie, l’aînée des sœurs après elle, petite fille de onze à douze ans, de bien surveiller les enfants, et de saluer de sa part le papa, quand il rentrerait de la promenade. Elle recommanda aux petits d’obéir à leur sœur Sophie, comme si ce fût elle-même, ce que plusieurs promirent expressément. Mais une petite espiègle, blondine de six ans, se prit à dire : « Et pourtant ce n’est pas toi, Lolotte ! Et nous aimons bien mieux quand c’est toi. » Les deux aînés des garçons avaient grimpé sur la voiture, et, à ma prière, elle leur permit de nous accompagner jusqu’au bois, s’ils promettaient de ne pas se faire de niches et de se bien tenir.

A peine étions-nous placés, à peine les dames s’étaient-elles saluées, et avaient-elles fait quelques remarques réciproques sur leurs toilettes, particulièrement sur les chapeaux, et passé en revue la société qu’on s’attendait à voir, que Charlotte fit arrêter la voiture et descendre ses frères. Ils demandèrent encore une fois à lui baiser la main, et l’aîné le fit avec toute la tendresse qui peut appartenir à l’âge de quinze ans ; le cadet,