Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/238

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19 juin.

Où en suis-je resté, l’autre jour, de mon récit ? Je ne le sais plus. Ce que je puis dire, c’est qu’il était deux heures après minuit quand je me couchai, et que, si j’avais pu jaser avec toi au lieu de t’écrire, je t’aurais peut-être retenu jusqu’au jour.

Ce qui s’est passé à notre retour du bal, je n’en ai rien dit encore, et, aujourd’hui même, je n’en ai pas le temps.

C’était le plus magnifique lever de soleil !… Autour de nous, la forêt, qui s’essuyait, et les plaines rafraîchies…. Nos compagnes de voyage s’assoupirent. Elle me demanda si je ne voulais pas être de la partie, ajoutant que je ne devais point me gêner pour elle. « Tant que je verrai ces yeux ouverts, lui dis-je en fixant mon regard sur le sien, je ne cours pas le risque de m’endormir. » Et nous avons tenu bon tous les deux jusqu’à la porte, que la servante est venue lui ouvrir doucement, assurant, sur les questions de Charlotte, que le père et les petits étaient bien, et que tout le monde dormait encore. Alors je la quittai, en lui demandant la permission de revenir la voir le même jour. Elle me l’accorda, et j’y suis retourné, et, depuis lors, le soleil, la lune et les étoiles peuvent cheminer ù leur aise : je ne sais s’il est jour ou s’il est nuit, et tout l’univers disparaît autour de moi.

2l juin.

Je passe des jours aussi heureux que Dieu en réserve à ses élus, et, quoi qu’il me puisse arriver, je ne saurais dire que je n’ai pas goûté les joies les plus pures de la vie…. Tu connais mon Wahlheim : j’y suis tout à fait établi. Là je ne suis qu’à une demi-lieue de Charlotte ; là je jouis de moi-même et de toute la félicité que l’homme a reçue en partage.

Aurais-je pensé, quand je choisis Wahlheim pour but de mes promenades, qu’il fût si près du ciel ! Que de fois, en poussant