Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/250

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18 juillet.

Wilhelm, que serait pour notre cœur le monde sans l’amour ? Ce qu’une lanterne magique est sans lumière. A peine la petite lampe est-elle introduite, que les images les plus variées apparaissent sur la muraille blanche. Et ne fussent-elles que des fantômes passagers, cela fait pourtant notre bonheur, lorsque nous nous arrêtons devant, comme des enfants joyeux, nous extasiant sur ces apparitions merveilleuses. Aujourd’hui je n’ai pu aller voir Charlotte : une société inévitable m’a retenu. Que faire ? J’ai envoyé chez elle mon domestique, uniquement pour avoir quelqu’un près de moi qui eût approché d’elle aujourd’hui. Avec quelle impatience je l’attendais ! avec quelle joie je l’ai revu ! Je l’aurais embrassé, si j’avais osé m’en croire.

On conte que la pierre de Bologne, si on l’expose au soleil, en absorbe les rayons, et qu’elle éclaire quelque temps pendant la nuit. Il en était de même pour moi de ce garçon. L’idée que les yeux de Charlotte s’étaient arrêtés sur son visage, sur ses joues, sur les boutons de son habit et le collet de son surtout, me rendait tout cela précieux et sacré. Dans ce moment, je n’aurais pas donné mon valet pour mille écus. Sa présence nie faisait du bien…. Dieu te garde d’en rire ! Wilhelm, sont-ce là des fantômes, si nous sommes heureux ?

19 juillet.

Je la verrai, dis-je avec transport le matin, quand je m’éveille, et que, plein de joie, je tourne mes regards vers le beau soleil, je la verrai ! Et je n’ai plus, tout le jour, d’autres désirs. Tout le reste s’évanouit dans cette perspective.