Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/251

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20 juillet.

Votre idée de me faire partir avec l’ambassadeur pour *** n’est pas encore la mienne. Je n’aime guère la subordination, et d’ailleurs nous savons tous que cet homme est désagréable. Tu dis que ma mère aimerait à me voir occupé. Cela m’a fait rire. Ne suis-je pas occupé maintenant ? Et, dans le fond, n’est-ce pas la même chose, que je compte des pois ou des lentilles ? Tout, dans le monde, aboutit à des bagatelles, et un homme qui, pour plaire aux autres, mais sans goût, sans besoin particulier, se fatigue à poursuivre la fortune ou l’honneur ou autre chose, est toujours un fou.

24 juillet.

Puisque tu as tant à cœur que je ne néglige pas le dessin, j’aimerais mieux passer tout le chapitre sous silence, et n’avoir pas à te dire que, dans ces derniers temps, je m’en suis peu occupé.

Je ne fus jamais plus heureux ; jamais le sentiment de la nature, eût-il pour objet un petit caillou, un brin d’herbe, ne fut chez moi plus complet et plus profond…. Et pourtant…. je ne sais quels termes je dois employer…. ma force d’expression est si faible, tout nage et vacille tellement devant moi, que je ne puis saisir un contour : mais je me figure que, si j’avais de l’argile ou de la cire, je saurais lui donner une forme heureuse. Si cela dure, je veux prendre de l’argile et la pétrir…. dusse-je ne faire que des boulettes !

J’ai entrepris trois fois le portrait de Charlotte, et trois fois je me suis fait honte. Cela m’afflige d’autant plus que j’étais, il y a quelque temps, fort heureux à saisir la ressemblance. Là-dessus j’ai donc fait sa silhouette, et il faut m’en contenter.