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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/321

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avait apportés, et il en demanda d’autres. Charlotte souhaitait et craignait tour ù tour de voir paraître ses amies.

La servante revint, et dit que les deux amies se faisaient excuser.

Elle voulait que la servante se tînt avec son ouvrage dans la chambre voisine, puis elle changea d’idée. Werther allait et venait dans la chambre. Charlotte se mit au clavecin et commença un menuet. Le menuet n’allait pas. Elle reprit du sang-froid, et s’assit tranquillement auprès de Werther, qui avait pris sa place accoutumée sur le canapé.

« N’avez-vous rien à lire ? » dit-elle.

Il n’avait rien. .

« Là, dans mon tiroir, reprit-elle, se trouve votre traduction de quelques chants d’Ossian : je ne les ai pas encore lus, parce que j’espérais toujours vous les entendre lire vous-même ; mais, depuis, cela n’a jamais pu s’arranger ni se mettre à exécution. »

Il sourit, il alla prendre le poëme ; un frisson le saisit, lorsqu’il tint le cahier dans ses mains ; ses yeux se remplirent de larmes, en le parcourant ; il s’assit et commença la lecture.

« Étoile du soir, ta belle lumière scintille au couchant ; tu lèves du sein de la nue ta tête rayonnante ; tu avances sur ta colline avec majesté : que regardes-tu dans la bruyère ? Les vents orageux se sont apaisés ; de loin arrive le murmure du torrent ; les vagues mugissantes se jouent au pied de la roche lointaine ; les insectes du soir bourdonnent dans les campagnes. Que regardes-tu, belle lumière ? Mais tu souris et tu passes ; les flots joyeux t’environnent et baignent ta gracieuse chevelure. Adieu, paisible clarté ! Et toi, parais, magnifique lumière de l’âme d’Ossian !

« Elle se montre dans tout son éclat. Je vois mes amis trépassés : ils se rassemblent sur Lora, comme dans les jours d’autrefois…. Fingal s’avance, comme une colonne de vapeur humide ; autour de lui sont ses héros, et voici les bardes du chant : Ullin aux cheveux blancs, le majestueux Ryno, Alpin, l’aimable chanteur, et toi, douce et plaintive Minona !… Que vous êtes changés, mes amis, depuis les jours de Selma, ces