Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/42

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nèrent ; mais le juge avait disparu, appelé par les siens, qui avaient besoin de ses conseils. Cependant le pasteur suivit, à l’ouverture de la haie, le pharmacien, qui lui désignait iinement la personne.

« Voyez-vous, disait-il, la jeune fille ? Elle a emmaillotté l’enfant, et je reconnais parfaitement la vieille cotonnade et la taie bleue que Hermann lui a apportées dans le paquet. Certes elle a fait de ses dons un prompt et sage emploi. Ce sont là des signes certains et tous les autres s’accordent ; car le corset rouge bien lacé dessine la rondeur de son sein, et le corps de jupe noir presse la taille étroitement ; le bord de la chemise, élégamment plissé en fraise, entoure, avec une grâce avenante, le menton arrondi ; son visage ovale et charmant exprime la franchise et la sérénité ; ses belles tresses sont plusieurs fois roulées autour des épingles d’argent. Bien qu’elle soit assise, nous voyons sa belle tournure et la robe bleue, qui descend, à plis nombreux, de sa taille jusqu’à ses pieds élégants. C’est elle sans doute. Ainsi donc venez, et tâchons d’apprendre si elle est douce et vertueuse, et bonne ménagère. »

Le pasteur répondit, en observant du regard la belle vierge assise :

« Qu’elle ait ravi notre Hermann, certes, je n’en suis pas étonné, car elle peut soutenir l’examen de l’homme expérimenté. Heureux celui à qui la bonne nature donna la beauté ! Cet avantage le recommande sans cesse, et il n’est nulle part étranger. Chacun s’approche de lui volontiers, et chacun souhaite sa présence, pourvu que la grâce soit unie à la beauté. Je vous assure que voici pour le jeune homme une épouse "qui embellira tous les jours de sa vie, et qui sera pour lui, dans tous les temps, la femme forte et fidèle. Assurément un corps si parfait renferme aussi une âme pure, et la jeunesse robuste promet une heureuse vieillesse. »

Là-dessus le pharmacien dit d’un ton circonspect :

« Cependant l’apparence trompe souvent. Je ne veux pas me fier à l’extérieur, car j’ai maintes fois reconnu la vérité du proverbe : « Avant d’avoir mangé un boisseau de sel avec une nou« velle connaissance, ne te fie pas en elle trop aisément : le temps «seul t’apprendra ce que tu peux en attendre, et si tu peux