Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/69

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ACHILLÉIDE [1]

Le puissant brasier jetait encore une fois de hautes flammes, qu’il poussait vers le ciel, et les murs d’Ilion paraissaient rouges, à travers la nuit sombre ; l’amas énorme du bois entassé, venant à s’écrouler, produisit un dernier embrasement : les ossements d’Hector s’affaissèrent, et le plus illustre des Troyens n’était plus qu’une cendre éparse sur le sol.

Alors Achille se leva de son siège devant sa tente, où il passait, à veiller, les heures de la nuit. Il contemplait les jeux effrayants de la flamme lointaine et le mouvement de la lueur changeante, sans quitter des yeux la citadelle rougeâtre de Pergame. Il sentait encore, dans le fond de son cœur, la haine du mort qui avait frappé son ami, et qui maintenant descendait dans la sépulture.

Mais, lorsque la fureur du feu dévorant se fut apaisée par degrés, et qu’en même temps la déesse aux doigts de roses embellit la mer et le rivage, en sorte que les flammes horribles pâlirent, l’héroïque fils de Pélée, saisi d’une émotion douce et profonde, se tourna vers Antiloque, et lui dit ces graves paroles :

« Ainsi viendra le jour, où des ruines d’Ilion s’élèveront bientôt la fumée et la flamme, poussées par les vents de Thrace ; elles obscurciront la longue cime de l’Ida et le sommet de Gargare. Mais je ne les verrai pas. L’aurore vigilante m’a trouvé recueillant les os de Patrocle ; elle trouve les frères d’Hector oc-

  1. Gœthe a laissé ce poème inachevé.