Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/72

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Et, lorsqu’elle aperçut son fils, la divine Junon l’arrêta soudain et lui dit :

« Mon fils, tu perdras bientôt le renom, qui te flatte, de fabriquer, en épuisant toutes les ressources de l’art, des armes qui défendent les hommes contre la mort, comme telle ou telle déesse t’en fait la prière : car le jour est proche où l’illustre fils de Pélée tombera, jeune encore, dans la poussière, marquant les limites de la destinée mortelle. Ni ton casque ne le protégera, ni la cuirasse, ni le vaste bouclier, quand les sombres déesses de la mort l’atteindront. »

Mais l’industrieux Vulcain répondit :

« Pourquoi te railler de moi, ô ma mère, parce que j’ai montré à Thétis de l’empressement, et que j’ai fabriqué ces armes ? Un pareil ouvrage ne sortirait pas de l’enclume des hommes mortels ; un dieu même ne les forgerait pas avec mes outils, moulées sur le corps, soulevant le héros comme des ailes, impénétrables, magnifiques, admirables à l’œil étonné. Car ce qu’un dieu dispense aux hommes est un don béni, et non comme le présent d’un ennemi, que l’on ne garde que pour sa perte. Et Patrocle serait certainement revenu heureux et vainqueur, si Phébus ne lui avait arraché le casque de la tête, et n’avait ouvert sa cuirasse, en sorte que le guerrier désarmé succomba. Mais, s’il en doit être ainsi, et si le destin réclame le mortel, l’arme la plus divine, l’égide même, ne le protégerait pas : c’est pour les dieux seulement qu’elle écarte le jour funèbre. Eh ! que m’importe cela ? Il prépare la guerre, celui qui forge des armes, et il ne doit pas en attendre les sons de la lyre. »

Ainsi dit-il, et il poursuivit sa marche en murmurant : les déesses riaient. Cependant les autres dieux entrèrent dans la salle. Diane vint, déesse matinale, déjà charmée de sa flèche victorieuse, qui lui avait abattu un cerf magnifique aux sources de l’Ida ; Iris vint à son tour avec Hermès, puis l’auguste Latone, éternellement haïe de Junon, semblable à cette déesse, mais d’un caractère plus doux. Phébus la suit, et la divine mère est fière de son fils. Mars, le guerrier, s’avance à grands pas. Il n’est gracieux pour personne et n’est dompté que par la belle Cypris. Bien tard s’avance Aphrodite, la déesse au regard tendre,