Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/86

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soit, comme le guerrier, toujours prêt à quitter la lumière du soleil. »

Là-dessus la déesse Minerve répondit en souriant :

« Écartons maintenant toutes ces pensées. Les discours, même les plus sages, des hommes nés de la terre ne résolvent pas l’énigme de l’impénétrable avenir. C’est pourquoi il vaut mieux que je songe au but pour lequel je suis venue, savoir si tu ne veux point me donner l’ordre de te procurer d’abord, et aux tiens aussi, les aliments nécessaires. »

Le grand Achille répondit avec une douce gravité :

« Plus sage que moi, tu me rappelles avec raison ce dont j’ai besoin. À la vérité, ni la faim ni la soif ni aucun autre désir terrestre ne me provoquent à passer des heures dans la joie ; mais ces hommes, ces ouvriers fidèles, ne trouvent pas dans la fatigue même le soulagement de la fatigue. Si je fais appel aux forces des miens, je dois les soutenir avec les dons de Cérès, qui dispense toute nourriture. Ainsi donc hâte-toi de descendre, mon ami, et envoie du pain et du vin en abondance, afin que nous avancions l’ouvrage ; et, ce soir, vous sentirez, à votre approche, les fumées appétissantes de la chair des bestiaux que l’on vient d’égorger. »

Il parlait ainsi en élevant la voix : les siens entendirent ces paroles, et ils souriaient l’un à l’autre, oubliant la sueur du travail. Mais la divine Pallas descendit en effleurant la terre, et aussitôt elle atteignit les tentes des Myrmidons, qui gardaient fidèlement, au pied de la colline, la droite du camp. C’était le poste assigné au grand Achille. Soudain la déesse stimula les hommes sans cesse prévoyants, qui, gardant en abondance le froment doré, sont toujours prêts à le fournir aux guerriers. Elle les apostropha, et leur tint ce langage impérieux :

« À l’œuvre ! Que tardez-vous de porter sur la colline aux travailleurs fatigués le pain et le vin, nourriture bienvenue ! Aujourd’hui ils ne sont pas assis auprès de leurs tentes, livrés ensemble à de joyeux entretiens, attisant le feu, pour apprêter le repas du jour. Levez-vous, paresseux, et procurez sur le champ à ces hommes laborieux ce que leur estomac réclame ; car trop souvent vous réduisez pour les combattants le juste salaire de la nourriture promise. Mais sans doute vous éprou-