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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome V.djvu/95

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que les arêtes, et il offrit les restes à son ami. l’n autre tour en-, core ! Je vous en ferai de même un récit fidèle. Reineke savait que chez un paysan était pendu au croc un cochon gras, tué le jour même. Il en fit confidence au loup. Ils partent, décidés à partager fidèlement le gain et le danger. Mais la fatigue et le danger furent pour lui seul, car il grimpa à la fenêtre, et, à grand’peine, jeta au loup la proie commune. Par malheur, les chiens n’étaient pas loin, qui le flairèrent dans la maison et lui déchirèrent la peau bel et bien. Il s’échappa blessé, courut à la recherche d’Ysengrin, lui conta ses souffrances et réclama sa part. Ysengrin lui dit : « Je t’ai réservé un friand morceau. Mets-toi à l’ouvrage et mêle dépèce de la bonne manière. Comme la graisse va te régaler ! » Et il apporta le morceau : c’était le bâton courbé auquel le boucher avait suspendu le cochon. L’excellent rôti, le loup glouton, injuste, l’avait dévoré. De colère, Reineke resta muet ; mais ce qu’il pensa, vous le pensez vous-mêmes. Oroi, je vous assure que le loup a joué plus de cent tours pareils à mon oncle, toutefois je n’en dirai rien. Si Reineke lui-même est assigné, il se défendra mieux. Cependant, très-gracieux roi, noble monarque, je dois le faire observer, vous avez entendu, et ces seigneurs ont entendu, comme le discours d’Ysengrin a follement blessé l’honneur de sa propre femme, qu’il devait protéger au péril de sa vie. En effet, il y a sept ans et plus, mon oncle donna une bonne part de son amour et de sa foi à la belle Giremonde[1]. L’affaire eut lieu dans un bal de nuit. Ysengrin était en voyage. Je dis la chose comme je la sais. Elle s’est souvent prêtée à ses désirs, amicale et polie. Qu’y a-t-il de plus ? Elle n’a jamais fait de plainte ; elle vit et se porte bien : pourquoi fait-il tant de bruit ? S’il était sage, il ne dirait mot de l’affaire. Il n’y gagnera que la honte. Je passe à autre chose, poursuivit le blaireau. Voici l’histoire du lièvre ! Vide et frivole commérage ! Le maître ne devrait donc pas châtier l’élève, quand il est inattentif et inappliqué ? Si l’on ne pouvait punir les enfants, et si la légèreté, l’indocilité, avaient pleine carrière, comment élèverait-on la jeunesse ? Puis, Wackerlos se plaint d’avoir perdu en hiver une andouillette derrière un buisson ? Il ferait mieux de

  1. Giermund, « bouche goulue. » Giremonde rappelle plaisamment Rosemonde.