Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/128

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départ, vous ne l’avez pas non plus mis encore à exécution, et, dans l’intervalle, vous ne me semblez pas avoir épargné l’argent : il y a du moins des personnes qui savent toujours vous procurer l’occasion de le dissiper plus vite. »

Ce reproche, qui n’était pas tout à fait injuste, blessa notre ami. Il répondit, en quelque mots, avec vivacité, avec violence même, et, comme la société se levait de table et se dispersait, il prit la porte, en faisant entendre assez clairement qu’il ne voulait pas rester plus longtemps avec des gens si désagréables et si ingrats. Il descendit à la hâte, fort mécontent, pour s’asseoir sur un banc de pierre qui se trouvait devant la porte de son auberge, et ne remarqua point que, moitié par gaieté, moitié par humeur, il avait bu plus qu’à l’ordinaire.

Chapitre XII

Au bout de quelques moments, que Wilhelm avait passés, agité de mille pensées, assis sur le banc, le regard fixe et rêveur, Philine s’avança doucement vers la porte de l’auberge, en fredonnant quelques airs, s’assit auprès de lui, on pourrait presque dire sur lui, tant elle s’était approchée ; elle s’appuyait sur son épaule, jouait avec ses cheveux, lui caressait le visage, et lui disait les plus jolies choses du monde. Elle le supplia de rester, et de ne pas la laisser seule dans une société où elle mourrait d’ennui ; elle ne pouvait plus vivre sous le même toit que Mélina, aussi s’était-elle transportée dans l’auberge de Wilhelm.

Vainement chercha-t-il à se délivrer d’elle, à lui faire comprendre qu’il ne pouvait ni ne devait rester plus longtemps ; elle ne cessa de le conjurer ; elle lui passa même, à l’improviste, le bras autour du cou, et lui donna des baisers passionnés.