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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/142

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Mélina avait déjà pris possession de l’attirail de théâtre avec tous les accessoires ; quelques membres du conseil municipal lui promirent aussitôt l’autorisation de jouer quelque temps dans la ville. Il reprit dès lors un cœur joyeux et un visage serein ; il semblait un autre homme ; il était doux et poli avec chacun, et même prévenant, insinuant. Il se félicitait de pouvoir maintenant occuper et engager, pour quelque temps, ses amis, jusqu’alors oisifs et embarrassés ; il regrettait toutefois de n’être pas en état, du moins au début, de payer selon leur mérite et leur talent les excellents sujets qu’un heureux hasard lui avait amenés ; mais, avant tout, il devait s’acquitter envers Wilhelm, son généreux ami.

«  Je ne puis vous exprimer, lui disait Mélina, la grandeur du service que vous me rendez, en m’aidant à entreprendre la direction du théâtre. En effet, quand je vous ai rencontré, je me trouvais dans une très-fâcheuse situation. Vous vous rappelez avec quelle vivacité je vous témoignai, dans notre première entrevue, mon dégoût du théâtre ; et cependant, aussitôt que je fus marié, je dus, par amour pour ma femme, qui s’en promettait beaucoup de plaisir et de succès, chercher un engagement. Il ne s’en présenta aucun, du moins rien de fixe ; en revanche, je trouvai heureusement quelques négociants, qui pouvaient avoir besoin, dans des cas extraordinaires, d’un homme en état de tenir la plume, sachant le français et connaissant un peu la comptabilité. Je m’en trouvai fort bien pendant quelque temps ; j’étais honnêtement payé ; je me nippai quelque peu, et je formai des relations honorables. Mais les travaux extraordinaires de mes patrons tiraient à leur fin ; une place fixe, il n’y fallait pas songer, et ma femme témoignait plus de goût que jamais pour la carrière dramatique, en un temps où, par malheur, sa situation n’était pas la plus avantageuse pour se présenter devant le public avec succès : aujourd’hui l’établissement que je fonderai par votre secours sera, je l’espère, un heureux début pour les miens et pour moi, et mon avenir, quel qu’il soit, sera votre ouvrage. »

Wilhelm fut très-satisfait de ce langage ; de leur côté tous les acteurs furent assez contents des déclarations du nouveau directeur ; au fond, ils se félicitaient de trouver si vite un engagement,