Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/154

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une nouvelle lumière, qui, après une longue pause, après force jurements et malédictions, parut enfin et leur rendit quelque joie et quelque espérance.

Un vieux domestique ouvrit la porte du vieux bâtiment, et les malheureux s’y précipitèrent ; puis chacun s’occupa de ses effets, pour les tirer des voitures, les porter dans la maison. Presque tout ce bagage était, comme les personnes, traversé par la pluie. Avec une seule lumière, tout allait fort lentement. Dans les salles, on se heurtait, on bronchait, on tombait. On demandait, avec prière, d’autres flambeaux ; on demandait du feu. Le laconique vieillard se décida, non sans beaucoup de peine, à laisser sa lanterne, s’en alla et ne revint pas.

Alors on se mit à visiter le château. Les portes de toutes les chambres étaient ouvertes ; de grands poêles, des tentures, des parquets de marqueterie, restaient encore de son ancienne magnificence ; mais on ne trouvait aucun meuble, ni tables, ni sièges, ni glaces, à peine quelques bois de lit énormes, dépouillés de tout ornement et de tout le nécessaire. Les malles et les valises mouillées servirent de sièges ; une partie des voyageurs, fatigués, se couchèrent à leur aise sur le plancher. Wilhelm s’était assis sur un escalier ; Mignon s’appuyait sur ses genoux. L’enfant était inquiète, et Wilhelm lui ayant demandé ce qu’elle avait, elle répondit : « J’ai faim. » Il n’avait rien à lui donner ; les autres personnes avaient aussi consommé toutes leurs provisions, et il dut laisser la pauvre petite sans soulagement. Pendant toute cette aventure, il restait inactif et rêveur ; il était affligé et furieux de n’avoir pas persisté dans son idée, et de n’être pas descendu à l’auberge, quand il aurait dû coucher au grenier.

Les autres se démenaient, chacun à sa manière. Quelques-uns avaient amassé un monceau de vieux bois dans une vaste cheminée, et ils allumèrent le bûcher en poussant de grands cris. Malheureusement, leur espérance de se sécher et se chauffer fut trompée d’une terrible manière : cette cheminée n’était là que pour l’ornement ; elle était murée par le haut. La fumée reflua bientôt et remplit la salle ; le bois sec s’enflammait en pétillant, et la flamme aussi était chassée au dehors ; les courants